Au kaléidoscope des souvenirs, nostalgie et vague à l’âme s’écossent Distillant le souffle chaud d’un baiser, la douceur d’une peau, d’une caresse

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Saudade

Dans le grenier de ma maison je fais de silencieuses balades
Quand je pousse doucement la porte basse entre les tuiles ébréchées

Je retrouve des jouets d'autrefois remisés là quelque peu pétrifiés
La chaise haute de poupée le berceau rose et le vieil ours au nez fripé
Ephémère réminiscence d’un noël éblouissant

Parfois l’air frais ranime d’une illusoire vie les vieux objets en ces lieux abandonnés
Chaises paillées et fauteuil d’osier où l’aïeule s'asseyait le soir à la veillée
Malles où s’entassent pelle mêle photos lettres et cahiers d’écoliers
Grains de Terre s’égrenant à la volée entre les voiles d’araignées

Dans le grenier de ma maison je fais d’étranges découvertes
Quand je libère tendrement l’écho des rires et des chagrins des disparus

Je ressuscite les visages évanouis de parents vieillissants les indices de destins avortés
Les fruits secrets d’amourettes de passage les premiers poèmes illustrés de pétales séchés
Saudade d’adolescente en talons aiguilles et robe virevoltante

Au microscope de l’au-delà j’accède aux vestiges compressés à la dérive
Rousseurs de sud épicé Arabesques de soie verte entrelacées de France
Blondeurs de nourrissons au creux de berceaux blancs senteurs d’amande douce
S’éparpillant se fractionnant et se détricotant à grosses mailles orphelines

Dans le grenier de ma maison je prends la couleur du Temps
Quand je feuillette l’envers et l’endroit de l’Avant

Chaque fois je réinvente le voyage dans l’apesanteur d’un espace recomposé
Avec au creux de la poitrine d’oppressantes présences d’êtres aimés
Boîte de Pandore naufragée au souffle anesthésié

Dans le grenier de ma maison je succombe aux déferlantes d’enfance
Quand flottent les parfums de confiture de bergamotes et de cédrats
Et l’essence des sachets de lavande échappée des cartons enrubannés

Au kaléidoscope des souvenirs nostalgie et vague à l’âme s’écossent
Distillant le souffle chaud d’un baiser la douceur d’une peau d’une caresse
Toutes ces voix tous ces derrière soi tous ces jamais plus interdits à vie
Tous ces autrefois dans les herbes hautes de Saint-Jean et les sables de méditerranée

Dans le grenier de ma maison persistent la saveur de miel et d’orange des gâteaux de ma mère
Les effluves d’un moi profond intime ravivées en pleins et déliés au détour d’une lettre jaunie
Et toutes les odeurs de Toussaint douloureuse insinuées dans chaque ride de mes mains

© Anny Ayraud