Il existe un endroit pas trop loin de chez moi référencé Natura2000. C'est un marais protégé. Chaque fois que je m'y rends, j'emprunte les chemins qui l'entourent, des chemins agricoles marqués par les tracteurs, remplis d'ornières et de flaques boueuses.

Sans entrer sur la terre protégée, il est possible d'apercevoir la faune qui l'habite. Les animaux n'ont pas de barrière et vont jusque dans les champs (photo 1). On peut les y surprendre et faire, s'ils nous en laissent l'occasion, quelques photos (photo 2). C'est là que j'ai décidé ma promenade de l'après-midi.

La dernière fois que je suis venu, il y avait des voitures tout le long du champ, des automobiles de chasseurs sur leur terre. J'ai rebroussé chemin. Aujourd'hui la chasse est fermée, je ne devrais pas rencontrer d'hommes armés. Le seul chasseur devrait être moi.

L'arrivée sur le terrain est placée sous de bons hospices. Un rapace plane au dessus de moi (photo 3)et plus loin, se sont trois chevrettes (photo 4) qui sont sorties du bois. Le vent est dans le bon sens, les animaux ne pourront pas sentir mes odeurs. J'espère surprendre les faisans.

C'est un chemin que je connais bien maintenant. Je sais ses virages. Je connais presque chacun de ses arbres. J'approche lentement. Je suis à pied. La dernière fois, derrière ce tournant, les faisans étaient des dizaines, mâles et femelles ensembles. Le soleil est encore haut. Il n'est pas encore quinze heures. Il est trop tôt. Je n'aperçois qu'un mâle (photo 5). Il a tôt fait de me voir et file dans les bois. Il semble glisser sur le sol. Il va vite.

Le printemps qui se signale déjà en ville n'est pas présent sur ce bout de campagne. Pas beaucoup de fleurs (photo 6), tout juste des bourgeons qui tardent à sortir (photo 7 - photo 8).

Il est encore possible de voir les oiseaux. J'ai la chance de repérer une épeichette (photo 9). C'est un pic qui ressemble au pic épeiche mais en plus petit et habillé comme un bagnard. Il frappe l'arbre avec ardeur tout comme ses grands frères.

L'épeichette s'éloigne. Je ne peux la suivre. Le marais la protège. Il n'est pas facile d'accès, des haies l'entourent. Des arbustes pleins d'épines (photo 10) m'empêchent aussi le passage. Des lianes grimpent aux arbres et passent de l'un à l'autre. Elles font un filet infranchissable. Une tresse grise que quelques fleurs (photo 11 - photo 12) illuminent en captant le soleil.

Je n'ai pas vu beaucoup d'oiseaux et il n'y a pas grand chose à photographier. Le soleil est pauvre. Les bons hospices semblent s'éloigner. Je décide de rejoindre ma voiture. J'irais ailleurs. 

Sur le chemin de retour, une voiture me croise, je salue les passagers. Ils arrêtent leur "tout-terrain" dix mètres plus loin. J'arrive à leur hauteur. Le chauffeur baisse la vitre et me demande :

- "Vous avez pris de belles photos ?"

- "Non pas grand chose, l'hiver est encore trop présent pour les fleurs et les animaux restent cachés."

Les trois hommes sont habillés de laines épaisse et de treillis. L'un d'eux porte une casquette à visière. Ce sont des chasseurs. Plus loin une autre voiture. Trois hommes en descendent. L'un d'eux semble s'éloigner. Le second reste près de la voiture, le dernier se rapproche puis s'arrête. Que préparent-ils ? Le contact semble pourtant sympathique ... Deux des chasseurs du premier 4x4 sortent. Le premier va vers la droite, le second sur la gauche selon le même rituel.

Le conducteur resté dans la voiture me dit avec un sourire :

- "Si vous voulez prendre des animaux en photos, restez ici, nous faisons un comptage. Nous entourons ce champ. Des collègues vont, avec leur chien, pousser les animaux vers nous. Chacun comptabilise les animaux qui passent à sa droite."

Il redémarre la voiture et la gare un peu plus loin (photo 13). Autour du champ, des chasseurs que je n'avais pas vu sont placés tous les dix mètres. Une véritable organisation s'est mise en place rapidement, de façon quasi militaire. Pas un animal dans ce champ ne pourra leur échapper (photo 14).

Pour l'instant, rien ne semble bouger dans cette terre labourée. Je me rapproche d'un guetteur et commence la conversation en attendant le gibier (photo 15). Il me dit avoir pris en photo des girafes la semaine dernière. Je m'inquiète et détourne la conversation. Il insiste :

- "J'étais au Gabon la semaine dernière. C'est un pays que je connais bien. J'y ai vécu sept ans... Je ne me suis pas trop encombré en matériel photo. Je n'ai pris qu'un 200mm. Je ne suis pas encore passé au numérique."

Un chasseur photographe qui me parle d'éléphants, d'oiseaux et des centaines de photos qu'il accumule. Un chasseur avec la double casquette de chasse traditionnelle et de chasse photographique. Avant cette rencontre, je n'y aurais jamais cru.

Nous ne poursuivrons pas la discussion, les lièvres détalent au loin (photo 16). Effrayés, les yeux grand ouverts, ils s'arrêtent en groupe et se séparent. Ils cherchent le chemin le plus sur. Je les photographie sans peine (photo 17). Je ne publierais que les plus belles (photo 18).

Le comptage dure trés peu de temps, pas plus d'un quart d'heure, juste le temps que les chasseurs reviennent du fond avec leurs chiens. Ils se regroupent ensuite par trois pour inscrire leurs comptes sur une feuille quadrillée.

Ils remontent dans leurs véhicules. Je continue mon chemin. Un pick-up au moteur robuste me rattrape.

- "C'est pour la télé régionale ?" me lance le conducteur.

- "Non, je ne suis qu'un amateur."

- "Si vous voulez nous voir la semaine prochaine, rendez vous à 13h30 au stade de foot d'Athis. Nous ferons de nouveaux comptages."

Il redémarre la voiture avant que je n'ai pu répondre. La semaine prochaine, je ne pourrais pas les rejoindre, je suis déjà invité ailleurs. J'aurais pourtant bien aimé, pour une fois, être avec les chasseurs.

Je reprends ma route et redescend le chemin. Il est environ dix-sept heures. Le soleil commence sérieusement à descendre. Je décide de poster la voiture dans un virage et d'y rester le temps que les faisans sortent du marais (photo 19). Après un quart d'heure, un lièvre suit la lisière et rentre dans le bois. Dix minutes plus tard, ce seront les faisans (photo 20). Ils vont et viennent dans le chemin (photo 21).

La lumière est trop basse pour une belle qualité d'images. Ce n'est pas grave, j'ai eu les photos que je cherchais et j'ai fais une belle rencontre de chasseurs.