S’il n’en reste qu’un, ce sera lui : Nuri Bilge Ceylan est le dernier représentant d’une longue lignée de cinéastes qui ont fait la réputation auteuriste et esthétisante de Cannes.Quelque chose comme le nouveau Théo Angelopoulos...
Pour permettre aux festivaliers d’aujourd’hui, supposément moins réceptifs au cinéma contemplatif, d’apprécier à sa juste valeur un film turc de 3h16 au titre inquiétant (Sommeil d’hiver), le Festival le programme désormais l’après-midi. Heureuse initiative ! Cela n’a, hélas, pas empêché nombre de festivaliers de faire une petite sieste réparatrice pendant les deux premières heures du film. Pas grave : pour peu qu’ils aient vu le premier quart d’heure (le propriétaire d’un hôtel perdu des montagnes anatoliennes saoule tout le monde avec ses discours moralisateurs) et n’aient pas manqué l’unique rebondissement du film (le gars se fait caillasser sa voiture par un gamin du village), les plus réceptifs auront quand même pu apprécier la majesté de la mise en scène et tout comprendre du parcours spirituel du héros et de ses rapports conflictuels avec sa sœur acariâtre, sa jeune femme délaissée et les villageois, miséreux mais dignes, auxquels il loue un taudis. En citant Ingmar, Shakespeare et Tchekhov dans leurs commentaires, ils auront tout dit. Pas la peine d’y passer trois heures !
Déjà titulaire de deux grands prix et d’un prix de la mise en scène, Nuri Bilge Ceylan n’attend plus désormais qu’une Palme pour succéder à son illustre compatriote Illmaz Guney (Yol).Sommeil d’hiver étant probablement son meilleur film, le jury de Jane Campion serait bien avisé de la lui décerner cette année. Ce serait fait.