Dire que le nouveau film d’Asghar Farhadi était attendu à Cannes est un doux euphémisme. Le réalisateur iranien d’Une Séparation (succès critique et public surprise de 2011) est un des rares grands auteurs actuels du cinéma mondial à ne pas avoir été révélé, ni adoubé par le Festival. Le Passé, présenté hier en compétition, devrait permettre de réparer ce surprenant oubli…
Après quatre années de séparation, Ahmad (Ali Mosaffa, superbe de sagesse orientale) arrive à Paris depuis Téhéran, à la demande de Marie (Bérénice Béjo, parfaite en mère amoureuse et tourmentée), son épouse française, pour procéder aux formalités de leur divorce. Lors de son bref séjour, Ahmad découvre que Marie vit désormais avec Salim (Tahar Rahim, impeccable) dont elle attend un bébé et la relation conflictuelle qu’elle entretient avec sa fille aînée Lucie (Pauline Burlet, une découverte), issue d’un premier mariage. Les efforts d’Ahmad pour jouer les intermédiaires lèveront le voile sur les non dits du passé…
Filmant pour la première fois en France, dans une banlieue parisienne pavillonnaire rarement vue à l’écran depuis les années 70, le réalisateur iranien tisse à partir de cette trame, somme toute banale, un (mélo) drame poignant, dont il semble détenir la formule secrète depuis La Fête du feu (2007).On se demandait si la greffe de son cinéma, humaniste et social, prendrait avec un casting et une équipe de tournage français. C’est réussi au-delà de toute espérance, preuve que le charme particulier de ses films précédents ne tenait pas qu’à leur (relatif) exotisme.
C’est, bien sûr, un peu tôt pour se risquer à un pronostic, puisque cinq films seulement de la compétition ont été projetés.Mais, même à ce stade de la compétition, on peut parier que Le Passé figurera au palmarès.Comment pourrait-il en être autrement?Tous les prix (scénario, mise en scène, interprétation masculine et féminine…) lui sont accessibles, y compris le plus prestigieux.Le Festival aurait-il trouvé, déjà, sa Palme d’Or?