Pour savoir si la belle était remise,
L’inconnu vînt prendre de ses nouvelles
Et comme on le dit, de fil en ficelle,
Ils se virent à de nombreuses reprises.


Ils s’en allaient par les champs, les forêts,
S’attardant le soir au soleil couchant…
Il lui parlait de licornes, d’oliphants,
De blancs palais aux fines tours nacrées…


Marin et voyageur impénitent
Il avait traversé toutes les mers
Fait au moins trois fois le tour de la terre
Avant d’avoir seulement vingt-cinq ans…


Il n’était ni plus brave ni plus fort
Que les chevaliers de la citadelle
Mais dans ses yeux brillaient tant d’étincelles
Que la belle oubliait un peu son sort.


Pas complètement… car elle s’inquiétait
A l’idée qu’il soit lui aussi blessé,
Elle prenait donc soin de dissimuler
Le triste malheur qui l’avait frappée.


Le voyageur semblait calme, apaisé
Mais il sentait bien au fond de son cœur
Qu’elle n’était pas entière à son bonheur
Et qu’un terrible secret existait…


Un beau jour, d’un paysan trop bavard
Il apprit la triste malédiction
Et décida sans une hésitation
D’essayer de vaincre le démon noir.


Il se rendit au château tête nue,
Armé de son seul bâton de marcheur,
Entra dans la sombre enceinte, sans peur,
Puis la porte se clôt sur l’inconnu.


Lorsque la belle découvrit la nouvelle
Elle se pressa vers le château-fort
Et vit son bien-aimé, vivant encor
Au sommet de la plus haute tourelle…


La terreur se lisait dans ses beaux yeux
Car une masse noire, grouillante et épaisse,
Noyant ses jambes, s’étendait sans cesse
Menaçant d’engloutir son amoureux.