Article précédent :la logeuse

Il n'est pas très tard, tout juste le milieu de l'après-midi. Chacun de nous a maintenant sa chambre d'attitrée. Patrice nous invite à faire un premier tour de repérage.

"J'ai vu des élans hier, sur la petite route entre Goniadz et Laskowiec" nous dit-il.

Nous avons tôt fait d'abandonner le sourire de la logeuse et nos valises pas encore tout à fait rangée dans les armoires pour nous engouffrer dans la voiture. Les sacs à dos dans le coffre, il nous semble y avoir un peu plus d'espace dans la voiture mais nous jouons encore des coudes à l'arrière. Je suis sur la barre centrale entre Claude et Francine. La place n'est pas très confortable et j'apprécie lorsque la voiture s'arrête enfin.

Tout près du parking de terre battue ou s'est garée la voiture se trouve un poste d'observation en bois. Il est très haut. C'est presque un mirador. Une statue de St François protège l'échafaudage financé par le WWF. Un papier protégé d'une feuille plastique averti le visiteur que seules dix personnes sont autorisées à monter simultanément sur la tour. Le panneau est écrit en polonais et en anglais.

Nous y montons. Nous rejoignons deux personnes arrivées avant nous. Elles fixent de leur longue vue l'horizon qui s'étale sur un marais immense. Il n'y a que très peu d'arbustes sur la zone devant nous. Il y en a une rangée sur la gauche qui délimite la route et près de la forêt derrière nous.

- "Regardez bien, ce n'est pas facile de repérer les élans dans les marais, ils ont l'art du camouflage. S'ils ne bougent pas, vous pouvez passer à coté d'eux sans les voir." nous dit Patrice

Mais il faut bien se rendre à l'évidence, il n'y a rien à voir à l'exception des libellules qui se posent sur les barrières en bois de l'observatoire et les geais qui commencent leur migration. Ils volent vers le sud. C'est la première fois que je les vois voler en grand nombre. Les deux observateurs arrivés avant nous nous font, avec leur tête, un signe de désolation et descendent les escaliers en silence nous laissant avec nos libellules.

Quand nous nous décidons de bouger, le soleil est encore présent mais la lumière a fortement baissé.

Nous nous arrêtons un petit kilomètre plus loin. Un panneau "BIEBRZANSKI PARK NARODOWY" nous informe sur l'endroit, rappelle que les animaux et les plantes sont protégés. La visite avec un guide est obligatoire pour les groupes de plus de sept personnes. Je n'ai pas le temps de tout lire, notre troupe s'est avancée sur un long ponton de bois qui avance dans le marais.

Patrice, en bon naturaliste, pointe ses jumelles vers une rangée d'arbres au loin.

- "Là ! Regardez par là. Il est loin. Il y a un élan. C'est un mâle."

Nous fouillons l'horizon sans rien voir. Claude a de petites jumelles de théâtre aux optiques grasses. Il ne voit rien. Francine a repéré un point qui semble bouger. Elle tourne un peu la molette de ses jumelles et confirme :

- "Je l'ai vu. Oui, c'est bien un élan. Mon premier élan !"

Nous l'observons tour à tour. Je tente une photo mais il est vraiment loin et la lumière est faible, les ISO élevés restituent une tâche noire sur une ligne grise qui représente la ligne d'arbre dans laquelle circule l'élan. Philippe regarde l'écran de mon boitier, il est impressionné par le résultat.

- "Je crois que je vais passer au numérique." me dit-il,
- "Je ne peux pas prendre de photo dans ces conditions avec mon appareil argentique."

Je garde la photo en souvenir et prête mes jumelles à Claude.

Après avoir donné la bonne direction aux binoculaires, il est tout heureux. Il chante : "J'ai vu un élan, il est beau mon élan. J'ai vu un élan, il est beau mon élan, ..." Il s'arrête soudainement.

- "Qu'allons nous voir demain ?" Demande-t-il.

- "Pour le moment, nous allons à la soupe." répond Patrice.

Claude reprend ;
- "J'ai vu un élan, il est beau mon élan ..."

Arrivé à la voiture le premier, Philippe monte pour la troisème fois, devant, à coté de Patrice. Francine semble s'en étonner en silence, me regarde en faisant une moue de désapprobation et s'installe à l'arrière, sur la barre centrale. La voiture démarre.

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