Déjà passé par la Quinzaine des réalisateurs (avec Cosmos en 1997) et Un certain Regard (Pour Un 32 août sur terre en 1998) le réalisateur Canadien Denis Villeneuve poursuit logiquement son ascension cannoise en compétition avec Sicario, un film de cartel (variante sud américaine du film de mafia) classique mais hyperefficace qui se transforme rapidement en « Benicio Del Toro movie ».
On croit pourtant tenir une bonne héroïne féminine avec Kate, le personnage d’agent du FBI incarné par Emily Blunt. Après la découverte par l’unité qu’elle commandait d’un charnier dans un repaire de narcotrafiquants en Arizona, Kate est intégrée dans un groupe de forces spéciales commandé par un drôle d’agent du gouvernement, Matt (Josh Brolin) qu’elle soupçonne d’appartenir à la CIA. Dès leur première opération sous couverture au Mexique, Kate fait la connaissance d’Alejandro (Benicio Del Toro), un autre agent, dont les méthodes sont plus proches de celles des cartels que de celles de la police. Consciente de l’illégalité totale de leur mission, elle hésite à démissionner, mais leur équipe a obtenu en quelques heures plus de résultats que le FBI en des années de lutte contre le trafic et l’arrestation d’un baron de la drogue est désormais à leur portée…

No Country for Sicario
?
Le dilemme de Kate ne tient hélas pas la distance très longtemps.Dommage pour Emily Blunt, qui pensait sans doute tenir là une chance de rebooster sa carrière. Dès l’arrivée dans le cadre de Benicio Del Toro, l’attention se déplace automatiquement sur son personnage de loup solitaire assoiffé de vengeance qui finit par phagocyter presqu’entièrement le film. Même le personnage de Josh Brolin, pourtant bien lancé, a du mal à exister jusqu’au bout.
C’est la seule critique que l’on pourrait faire au film de Denis Villeneuve, dont la mise en scène a l’efficacité et la puissance de feu d’un Michael Mann. Les séquences d’infiltration au Mexique (Juarez) sont particulièrement impressionnantes et la photographie de Roger Deakins fait une fois de plus merveille. Rien de révolutionnaire, de très original, ni de vraiment palmable (dans le genre, les frères Coen avaient eux-mêmes placé la barre assez haut avec No Country For Old Man, sans le moindre succès au palmarès), mais un excellent thriller que l’on aura plaisir à recommander lors de sa sortie en salles début octobre.