Aydin (Haluk Bilginer), comédien à la retraite, écrivain et journaliste à ses heures, tient un petit hôtel en Anatolie centrale avec sa jeune épouse Nihal (Melisa Sözen), dont il s’est éloigné sentimentalement, et sa sœur Necla (Demet Akbag) qui souffre encore de son récent divorce. En hiver, à mesure que la neige recouvre la steppe, l’hôtel devient leur refuge, mais aussi le théâtre de leurs déchirements…

La Palme qui endort?Pour permettre aux festivaliers les moins réceptifs au cinéma contemplatif de Nuri Bilge Ceylan (Uzak, Climats, Il était une fois en Anatolie), d’apprécier à sa juste valeur son grand œuvre (3h16), le Festival de Cannes l’avait programmé en après-midi récréative. Heureuse initiative! Cela n’a pas empêché nombre de festivaliers de faire une petite sieste réparatrice pendant les deux premières heures du film, particulièrement longues et arides, dont l’unique scène d’action est constituée par un mystérieux jet de pierre dans la vitre d’une voiture.
Le reste du temps, le réalisateur turc filme au kilomètre, dans un clair-obscur flatteur, d’interminables joutes verbales entre le héros, sa jeune femme qui s’ennuie à mourir (elle aussi!) et sa sœur acariâtre. Il faut attendre les derniers trois quarts d’heure pour qu’enfin le drame Tchekhovo-Bergmanien prenne forme et que toute la majesté du film se révèle.
Toutes choses égales par ailleurs, Winter Sleep est certainement le film le plus imposant de Nuri Bilge Ceylan. Un monument d’ennui?Certes, mais un monument de cinéma quand même. La mise en scène et l’interprétation sont impressionnantes, la photo une merveille.On aurait préféré que le jury de Jane Campion opte pour une œuvre moins plombante (il n’en manquait pas), mais force est de reconnaître que Winter Sleep fait une belle Palme d’or à l’ancienne (le genre « chiant mais beau »).Déjà récipiendaire de deux Grands Prix et d‘un prix de la mise en scène à Cannes, Nuri Bilge Ceylan, véritable bête de festival, ne pouvait, de toute façon, prétendre à moins.Lui permettra-t-elle de toucher un plus large public?C’est une autre histoire.Mais en ces heures vaguement caniculaires, un petit trek de trois heures dans les montagnes anatoliennes enneigées peut s’avérer rafraîchissant…