Avant son grand film sur le génocide arménien, Robert Guédiguian s’offre et nous offre une récréation avec Au fil d’Ariane, film-cadeau à son épouse-actrice-muse, dans lequel il imagine Ariane, abandonnée par les siens, trop occupés, le jour de son anniversaire et partant à l’aventure dans sa petite voiture.Dans un embouteillage, elle rencontre un jeune garçon qui l’entraîne sur son scooter aux confins de la ville, dans une auberge perdue du bord de l’étang de Berre, dont le patron n’est autre que Gérard Meylan. Elle va y trouver refuge, le temps que quelques heures ou plus, si affinités…Une « fantaisie », selon la définition qu’en donne le réalisateur Marseillais, qui, malgré ses airs désinvoltes finit tout de même par tourner à la fable sociale.Chassez le naturel…

Quelle différence faites vous entre vos « contes » (L’argent fait le bonheur, Marius et Jeannette et A l’attaque) et cette « fantaisie » annoncée au générique?
Mes contes se sont bâtis à partir d’ une morale ou d’un mot d’ordre que le fim était chargé de démontrer.Celui-ci est plus du côté du rêve, du « nonsense ».Même si je m’aperçois que ce rêve est une invitation à réinventer une fraternité qui soit universelle.
Pourquoi avoir choisi cette forme?
J’avais un peu de temps devant moi avant de tourner mon film sur le génocide arménien et j’ai horreur des vacances.Je me suis dit qu’avant d’attaquer un truc aussi sérieux, je devrais faire quelque chose de pas sérieux du tout. J’avais aussi promis à Ariane de lui faire un film- cadeau.Fellini avait fait ça pour Giulietta Masina avec Juliette des esprits. Ca m’a d’ailleurs donné l’idée de départ du scénario : celle de l’anniversaire pour lequel tous les membres de sa famille se défilent au dernier moment.

Quels avantages y avez-vous trouvé?
L’idée de départ c’était de se laisser aller, de s’amuser à exagérer, à imaginer des choses sans queue ni tête, mais quand même avec un fil, un déroulé, pour que ça ne soit pas trop décousu. Au bout du compte c’est quand même devenu un peu Ben Hur, avec une grande scène de théâtre au Frioul, une tempête et tout et tout. Mais l’avantage c’est que cela permettait de se lâcher, de s’amuser (y compris pour les techniciens), d’explorer de nouveaux territoires…

Vous revisitez surtout votre propre univers…

Oui, le fil d’Ariane c’est aussi le mien.A l’arrivée, c’est un peu comme du Guédiguian remix.Mais pas seulement. On s’est amusé à placer des références un peu partout.On pourrait faire un quiz : Jean-Pierre Darroussin en chauffeur de taxi c’est dans La ville est tranquille, l’auberge de l’étang, c’est le cabaret d’A la vie à la mort… Il y a la scène de la fontaine de la Dolce Vita.À la fin, Anaïs Demoustiers porte le costume de scène de Cabaret.La montée au Frioul, c’est du Pasolini…Je cite aussi Tchekhov, Lacan, Brecht, Sartre et Aragon. Sans les créditer, évidemment (rires)

Et les chansons de Jean Ferrat sont partout!

Oui, d’ailleurs on va présenter le film chez lui à Entraigues.J’ai pleuré comme une madeleine lorsqu’il est mort. C’était un homme exceptionnel, d’une douceur infinie…

Mais au bout du compte, ça reste un film de Robert Guédiguian…
On ne se refait pas. Je continue à penser que pour qu’il y ait un monde nouveau, il faut d’abord le rêver.

Le résultat des élections européennes a dû vous faire déchanter?

Je m’y attendais. On ne peut pas continuer à être « austéritaire » indéfiniment. Tout ce qui est essentiel au quotidien est atteint. Le PS est en totale usurpation : ils devraient enlever le mot « socialiste » de leur nom.Et arrêter de prétendre qu’ils ont quelque chose à voir avec la gauche…