Après le succès public de son premier polar, Ne le dis à personne et celui, plus considérable encore des Petits mouchoirs, Guillaume Canet s’est senti prêt à tenter l’aventure d’un film américain. Il a choisi pour cela d’adapter à nouveau le livre autobiographique des frères Papet (Deux frères, flic et truand), dont Jacques Maillot avait tiré Les liens du sang, et dans lequel il jouait aux côtés de François Cluzet. L’histoire de deux frères ennemis, l’un braqueur (Cluzet dans le film le Maillot, Clive Owen dans celui de Canet) et l’autre flic (Canet /Billy Cudrup), le deuxième essayant en vain d’aider le premier à rentrer dans le droit chemin. Mal reçu à Cannes où il était présenté hors compétition, Blood Ties a été raccourci d’une vingtaine de minutes et va tenter de séduire cette semaine le public français, avant d’entamer une carrière américaine.Guillaume Canet s’explique sur ses choix dans l’interview qu’il nous a accordée.

Pourquoi avoir choisi de faire un remake des Liens du sang?

Pour moi, il ne s’agit pas d’un remake, mais d’une nouvelle lecture du livre des frères Papet dans lequel j’ai trouvé beaucoup de choses que le film de Jacques Maillot avait laissées de côté.Surtout, en le lisant, je ne sais pas pourquoi, mais je voyais cette histoire se dérouler dans le New York des années 70.Je suis un grand fan du cinéma américain de cette période, avec lequel j’ai grandi.Quand j’ai eu l’opportunité de faire un film américain, j’ai tout de suite eu envie d’aller dans cette direction et j’ai repensé aux Liens du sang. C’est une histoire que je connaissais bien.Quelque part, pour un premier tournage aux États-Unis, ça me rassurait.

C’était un rêve pour vous de faire un film américain?

Pas vraiment.On m’en a proposé plusieurs après Ne le dis à personne et j’ai toujours refusé parce que je n’avais pas envie de me retrouver avec des producteurs derrière moi pour me dire quoi faire. Par contre, faire un film là-bas, qui se passe dans les années 70 et s‘apparente un peu aux films de Cassavetes, Schatzberg ou Scorsese (sans avoir la prétention de les égaler bien sûr), ça me tentait beaucoup. À condition de garder le contrôle.C’est pour cela que la production de Blood Ties est française.

Comment James Gray est-il arrivé sur le projet?

On s’est rencontrés il y a quelques années à Paris et on est devenus amis.Je l’ai appelé pour lui demander s’il connaissait quelqu’un qui pourrait m’aider à écrire les dialogues de Blood Ties, car je ne me sentais pas capable de le faire en anglais.Il m’a répondu : « Oui, moi ».Je ne m’y attendais pas du tout, car il ne l’a jamais fait pour quelqu’un d’autre.C’était formidable car on a la même admiration pour le cinéma américain de cette époque et il connaît parfaitement New York.

Que s’est-il passé avec Mark Wahlberg, qui devait jouer le rôle tenu par Billy Cudrup?

Il s’est désisté au dernier moment, en prétextant qu’il avait déjà joué un rôle similaire dans le film de James Gray, La Nuit nous appartient. Ca a été un coup dur pour le financement du film.D’autant que je lui avais bien demandé, avant qu’il s’engage, si ça ne le gênait pas que les deux rôles soient si proches.Il m’avait dit non, qu’il tenait vraiment à faire le film, qu’il avait des frères et que le sujet lui tenait à cœur…Et puis il a changé d’avis, ce que je peux comprendre après tout.Ca m’a permis de revenir à ma première idée, qui était de prendre des acteurs moins « bankable » mais plus impliqués, qui donneraient tout parce qu’ils ont encore des choses à prouver.Un peu comme Cluzet dans Ne le dis à personne…

Comment avez-vous vécu la présentation du film à Cannes?

C’était un cauchemar! Mais pas pour les raisons que vous croyez, car je ne lis jamais les critiques (Une règle que je me suis fixée après avoir trop souffert de certaines). C’est juste que j’ai vu mon film pour la première fois à Cannes et que je me suis aperçu qu’il n’était pas du tout fini, que je devais encore travailler dessus.J’ai coupé 17 minutes sur la première partie, ce qui est énorme et change beaucoup le rythme.

Votre Top 5 des films américains des années 70?
1) L’épouvantail (Jerry Schatzberg), 2) Husbands (Cassavetes), 3) Mean Streets (Scorsese), 4) Guet-apens (Sam Peckinpah), 5) Le Prince de New York (Sidney Lumet)