Après le choc de Drive (Prix de la mise en scène 2011), Nicolas Winding Refn était sans doute le réalisateur le plus attendu de cette 66e édition, avec un film qualifié de « punk » par Thierry Frémaux lors de la conférence de presse de présentation de la sélection officielle. Il n’a pas déçu les espoirs qu’on plaçait en lui, même si les spectateurs qui ont fait un triomphe à Drive risquent d’être désagréablement surpris par son nouveau film (Témoins les mines défaites des fans de Ryan Gosling à la sortie de la projection de presse...).
Only God Forgives est, en effet, tout sauf un Drive 2. Il s’inscrit plutôt dans la continuité de Bronson ou du Guerrier silencieux pour la mise en scène hyperstylisée et de la trilogie Pusher, pour la violence et la scénarisation minimale.OGFest tout sauf un film aimable. Le bellâtre Ryan Gosling, héros cascadeur au grand cœur du film précité et chéri de ces dames, y est d’ailleurs peu à son avantage cette fois, dans le rôle du petit caïd traumatisé par une mère castratrice (Kristin Scott Thomas, effarante en Lady Mcbeth relookée par Donatella Versace!), pas assez endurci pour venger son frère et nul en boxe thaïe (la dérouillée qu’il prend est un des grands moments du film).
Exercice de style salvateur, violent (voire gore) et presque désincarné, Only God Forgives pourrait se décrire comme un mélange de David Lynch (longs plans anxiogènes et plages de synthés badalamantiennes), de Wong Kar-waï (beauté des images, magnificence des décors, musicalité, fluidité du montage) et de Gaspar Noe (violence, errances nocturnes dans Bangkok, rouges saturés et drame œdipien).
L’histoire est minimale : le héros (Ryan Gosling), qui fait dans les combats de boxe thaï et le deal de drogues à Bangkok, doit venger son grand frère, assassiné avec la complicité d’un flic justicier (Vithaya Pansringarm).Comme il traîne la patte, sa mère (Kristin Scott Thomas) débarque pour finir le travail...
Ce sont la mise en scène et les personnages (un faux héros, une « Queen bitch » hallucinante et un flic fan de karaoké, adepte du sabre et de la justice immanente) qui font la différence.
On n’est pas obligé d’aimer (on peut même détester), mais ce film-là laissera forcément une trace.Dans la filmographie de Nicolas Winding Refn, dans l’esprit des spectateurs et, peut-être, au palmarès de Cannes 2013, si le jury de Steven Spielberg goûte autant que nous la maestria de la réalisation et l’humour au second degré qui la sous-tend.