Une femme (Vasilina Makovtseva) se voit retourner sans explication le colis qu’elle a envoyé quelque temps plus tôt à son mari en prison, où il est incarcéré, au fin fond du pays. Inquiète du sort de son époux, elle décide de lui rendre visite. Commence alors pour elle un voyage en absurdie où l’enfer, c’est les autres…

Parmi les nombreux contributeurs financiers qui ont permis au film d’exister, (dont la longue liste précède le générique), on n’a pas vu l’Office du tourisme de Russie. Ce n’est qu’à moitié étonnant: la vision du pays que Sergeï Loznitsa livre dans ses films depuis My Joy découragerait une armée d’occupation! Reprenant les choses où il les avait justement laissées dans My Joy, (ce film a été écrit juste après), le réalisateur Ukrainien envoie une nouvelle victime expiatoire explorer la Russie profonde. Vaguement inspirée de Dostoïevski (La Douce), La Femme douce raconte le chemin de croix d’abord tragicomique ( «Prenez l’avenue Hegel, tournez à Karl Marx et continuez sur Lénine…»), puis de plus en plus cauchemardesque, d’une malheureuse partie visiter son mari en prison. Misère, alcoolisme, violence, corruption, mafia, prostitution : toutes les tares de la société russe d’hier et d’aujourd’hui sont passées au crible, dans un maelström infernal d’images et de chants braillards, que La Femme douce, figure christique, traverse comme une somnambule. Issu du documentaire, Sergueï Loznitsa filme son voyage en absurdie avec un réalisme qui n’exclut pas une grande ambition esthétique.Laquelle explose dans une très longue scène onirique de banquet, où se rejoignent les personnages croisés jusque-là.On se croirait alors chez Jodorowski, David Lynch ou dans Le Magicien d’Oz! Définitivement le film le plus original et dérangeant qu’on ait vu cette année à Cannes.Il y était en compétition mais a visiblement effrayé le jury de Pedro Almodovar…