De mai 2015 à mai 2016, d'un palmarès à l'autre, le délégué général du Festival de Cannes a tenu son journal de bord, que Grasset publie sous le titre "Sélection officielle". 600 pages sur le fonctionnement du Festival (et de l'institut lumière qu'il dirige également), agrémentées d'anecdotes et de digressions sur le foot, le vélo et la musique (ses autres passions), sans révélations chocs, ni indiscrétions, mais une mine d'infos quand même pour qui s'intéresse de près au Festival. Sélection officieuse...

1) The Last Face a été selectionné sans être vu
On s'en doutait un peu, mais Thierry Frémaux le confirme : le film de Sean Penn (romance sur fond de guerres africaines entre Charlize Théron et Javier Bardem) a été sélectionné en compétition sans que personne ait vu le film terminé, pour le casting et parce que les films précédents de Penn (Indian Runner, Into The Wild...) étaient plutôt bons. Grave erreur: The Last Face restera dans l'histoire du festival comme l'un des plus mauvais films qu'on ait jamais vu en compétition. Un navet indigne de Cannes et de son réalisateur.

2) le premier film sélectionné en 2016 était roumain
Sierranevada, drame familial roumain de 3 heures, signé Cristi Puiu, a été le premier film retenu pour la compétition en 2016. Mais c'est le film allemand de Maren Ade, Toni Erdmann qui a constitué la meilleure surprise pour les sélectionneurs. Aucun des deux n'est, hélas, allé au palmarès...

3) Frémaux a menti à propos de Nocturama
Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection officielle, le délégué général a affirmé que Nocturama de Bertrand Bonello, qui figurait sur toutes les listes de favoris, n’avait pas été montré aux sélectionneurs. Un pieu mensonge : la critique n’aurait pas pardonné au réalisateur Niçois son «hors sujet» sur les attentats, explique en substance Thierry Frémaux. Il a sans doute eu raison, bien qu'une partie de la critique (française) ait adoré le film à sa sortie en salles.

4) Kusturica s'est pris un vent
Egalement annoncé en sélection, le nouveau film d'Emir Kusturica a été refusé. Il n'était pas montrable en l'état, estime Fremaux auquel le réalisateur, double palme d'or, en veut désormais à mort.

5) Pedro Almodovar s'est fait prier
Almodovar "entretient des relations complexes avec Cannes" confirme le Délégué Général, qui a dû le supplier pour qu'il consente à présenter son nouveau film, Julieta. Le réalisateur madrilène estime qu'il aurait du avoir la palme depuis longtemps. Il l'a ratée de peu en 1998 avec "Tout sur ma mère"

6) Jean Luc Godard aurait dû présider le jury
C'est à Jean Luc Godard que Thierry Frémaux a proposé en premier la présidence du jury de l'édition 2016. Le génie des alpages suisses a prétexté un tournage (plutôt qu'un "problème de type Grec") pour décliner l'invitation. Du coup c'est le père de Mad Max, George Miller qui a eu le poste.

7) Juliette Binoche et Katheryn Bidgelow dans les starting blocks
Dans la liste des personnalités susceptibles d'être appélées à la présidence du jury dans un proche futur (sinon pour le 70e anniversaire) deux femmes tiennent la corde : Juliette Binoche et la réalisatrice américaine Katheryn Bidgelow (Zero Dark Thirty). Fremaux s'en veut encore d'avoir refusé Demineurs, lorsqu'il a été présenté à la sélection et aimerait bien se faire pardonner de cette manière.

8) La méchante vanne de Laurent Laffitte a laissé froid Woody Allen
Frémaux s'en veut d'avoir laissé passer la méchante vanne de Laurent Lafitte à Woody Allen. Lors de la cérémonie d'ouverture, Lafitte s'était réjoui de voir Woody si souvent en Europe "alors qu'il n'est même pas inculpé de viol dans son propre pays". Mortifié, le délégué général est allé s'excuser auprès du réalisateur New Yorkais qui lui a répondu, avec son sens de la répartie habituel: "J'ai été plus géné que tu me compares à Molière".

9) Laurent Gerra a trouvé la Palme avant tout le monde
"Vous voyez des centaines de films et c'est Ken Loach qui aura la Palme" avait charrié l'humoriste, grand copain lyonnais de Frémaux, lors de l'annonce de la sélection. Il ne s'était trompé que sur le chiffre : c'est plus de 1850 films que voient chaque année les sélectionneurs cannois...

10) Sa femme et ses enfants préfèrent Kev Adams
Pendant que Thierry Frémaux se bat comme un beau diable à l'Institut lumière et à Cannes pour défendre la cinéphilie la plus exigeante, sa femme Marie et leurs 2 enfants vont tranquillement voir Kev Adams au cinéma. Cela lui permet de relativiser l'importance de son travail...