Difficile, cette fois, de faire « comme si de rien n’était » (titre de son avant dernier disque). Il faudrait pourtant, pour juger sereinement de la valeur artistique du quatrième album de la chanteuse Carla Bruni. On pourrait dire alors, que lartiste a bien progressé vocalement (ce nest pas encore Adèle , mais sa voix a pris de lassurance) et que ses chansons vont vers un certain classicisme qui pourrait rappeler les jeunes Brassens, Greco ou Barbara. Une plutôt bonne surprise, donc. Mais comment oublier que le nom complet de la dame se termine par Sarkozy et quelle a vaillamment assumé pendant cinq ans le rôle de « Première dame de France » ? Et comment, dès lors, ne pas être tenté de voir des sous-entendus politiques dans ses textes à double détente ? Pour éviter les malentendus, on lui a donc fait commenter les plus emblématiques de ses « petites chansons françaises »…



Jarrive à toi : dès louverture de lalbum, Carla évoque une rencontre amoureuse tardive qui a changé sa vie. « Jarrive à toi après de longues années, après une enfance grisâtre et endiablée » chante t-elle sur un arpège de guitare électrique. Probablement le plus beau texte du disque. Et qui, pour le coup, se passe dexplication.



Keith & Anita : A lElysée, Carla rêvait donc de Nellcôte, la mythique villa de Villefranche sur Mer où, telle une tribu de gitans du rocknroll, les Rolling Stones avaient trouvé refuge à l’été 1971 pour enregistrer leur chef d’œuvre, Exile on Main Street. « Jai découvert lhistoire avec les photos de Dominique Tarlé dans Marie Claire, il y a quelques années, raconte Carla. Elles ont un coté solaire et symbolisent pour moi la grâce et linnocence perdue des années 70. Cest pour ça que je parle de « l’été 70 ». Et puis 70, ça rime quand même mieux avec Keith que 71».



Prière : le texte le plus apocryphe de lalbum. « Je prie sans Dieu, sans foi sans Christ et sans Allah » chante Carla en pleine mobilisation catholique contre le mariage gay. Plus loin, quand elle répète « Sans Christ et sans Bouddah » on croit même entendre « sans Boutin » ! « Cest ma façon de voir les choses, elle nengage que moi, se défend la chanteuse. Lauto censure nest pas dans ma nature. Pourquoi serais-je la seule dans ce pays à ne pas dire ce que je pense ? »



Mon Raymond : Le pendant populaire et gouailleur du « Raphael » du premier album. « J’étais tentée par Roger, Raoul ne rimait pas et était trop aristo, jai opté pour Raymond, explique l’épouse de Nicolas Sarkozy. Mon Raymond lui ressemble assez, je crois, pour que ça plaise à mon Nicolas ».



Dolce Francia : « Jaime vraiment la version qua faite Carte de Séjour de la chanson de Trenet. Elle nexistait pas en Italien, à ma connaissance. Je lai donc traduite en collant le plus fidèlement possible à loriginal. Cest la petite italienne que j’étais en arrivant en France qui voulait la chanter. Je connais mieux ce pays maintenant et je laime encore plus »



Pas une dame : sur un riff de guitare acoustique assez rock, Carla semble se rebeller contre son statut de première dame: « Ce nest pas dans mes gènes, pas mon style, pas ma came. Tant pis si lon me juge et que lon me condamne. Je ne suis pas une dame, je carbure à la bière et je grille mes gitanes » chante-t-elle. « En fait, je ne pensais pas à « première dame » en l’écrivant mais à « madame », explique Carla. A partir de 35 ans , on vous sert du madame sans arrêt. Jen avais marre de me faire madamer ! ».



Le Pingouin : « Bras ballants mais l’œil hautain », le pingouin « na pas des manières de chatelain » et est « tout seul dans son jardin » . Dans un texte dune ironie mordante, Carla se propose de lui donner « des cours de maintien ». Beaucoup ont voulu y voir une allusion à François Hollande. La chanteuse jure pourtant ses grands dieux que le texte a été écrit avant la campagne présidentielle et quil ne vise que les fâcheux, « qui sont nombreux !».

Dans les autres chansons , Carla évoque un ami disparu (le journaliste François Baudot qui lappelait « Darling »), parle de « Liberté » , emprunte le dernier temps de sa « Valse posthume » à Brel et rend hommage à ses grands prédécesseurs qui, de Piaf à Johnny en passant par Ferré Nougaro et Moustaki , forment une lignée à laquelle elle voudrait aujourdhui être rattachée. Malgré son titre en franglais, « Little French Songs » sinscrit bien dans cette perspective.