Quartet est le film d’un jeune réalisateur débutant de 75 printemps, nommé Dustin Hoffman. Hormis une participation à la réalisation du Récidiviste d’Ulu Grosbard, en 1978, l’acteur, qui a pourtant cotoyé les plus grands, n’était jamais repassé derrière la caméra. C’est un heureux concours de circonstances qui lui a permis de le faire, comme il nous l’a expliqué avec force détails et humour, au cours d’une interview débutée sur ce conseil peu banal (qu’on s’est gardé de mettre en pratique) : « Si mes réponses sont trop longues, dites-moi juste de la boucler ! ».

Comment se fait-il qu’il vous ait fallu attendre si longtemps pour réaliser votre premier film ?

Peut être ai-je eu la malchance d’avoir tant de succès en tant qu’acteur ? Cela fait 45 ans que je fais ce métier et tout le monde me voulait pour jouer la comédie, mais personne n’aurait misé un kopeck sur moi en tant que réalisateur. Il a fallu que j’aille en Angleterre tourner Last Chance For Love pour que le chef op avec lequel je travaillais, John de Boorman, s’aperçoive que j’avais peut être les qualités requises pour passer à la réalisation. Il savait que Finola Dwyer la productrice d’une éducation avait un scénario orphelin. Deux réalisateurs venaient de jeter l’éponge et John a eu la bonne idée de lui demander de me le faire lire. J’ai adoré et j’ai accepté de le mettre en scène.

Travailler en Angleterre, sur un sujet très british avec des acteurs anglais, ne vous a pas fait hésiter ?

C’est vrai que, quand j’étais jeune, on avait cette idée que les acteurs britanniques étaient très différents de nous, parce que formés au théâtre shakespearien, alors que nous travaillions sur des textes plus modernes plus adaptés, croyait-on, au cinéma. Tout cela était évidemment des sornettes. Un bon acteur est un bon acteur, quelle que soit sa nationalité . Quelqu’un comme Michel Piccoli, par exemple, n’a rien à envier à personne. De fait, j’ai très vite oublié le contexte totalement britannique de cette production.

Qu’avez-vous appris sur le cinéma en passant à la réalisation ?

Que je croyais tout savoir et que je me trompais. Nous, les acteurs , on a toujours l’impression que c’est nous qui faisons tout sur le plateau. Je me suis vite aperçu qu’on m’avait caché des choses ! (rires). En fait, les réalisateurs protègent beaucoup les acteurs. Il y a plein de choses qu’on ne sait pas et qu’on ne voit pas sur un tournage. Réaliser un film, c’est comme faire la guerre : on a beau avoir tout planifié avant, une fois qu’elle démarre rien en se passe comme prévu.

Quelles étaient vos références en matière de mise en scène ?

J’ai revu La règle du jeu, parce que je pensais que ça m’aiderait pour l’unité de lieu. Mais en fait, c’est dans les entretiens que Renoir a donné à propos du film que j’ai trouvé le meilleur conseil. Il expliquait qu’on n’a pas besoin de tout savoir sur le film avant de commencer et que le spectateur est le meilleur de vos co-scénaristes. Il remplira les vides tout seul. Ca m’a aidé à me lancer et ça a été ma devise pendant tout le tournage. J’ai aussi repensé à La Belle Noiseuse de Rivette, qui est l’un des films qui m’a le plus impressionné dans ma vie.

Le thème du vieillissement était déjà présent dans Last Chance For Love. Est-ce aussi pour cela que vous avez accepté de réaliser Quartet ?

Non, c’est un hasard. Je ne vois aucun intérêt à la vieillesse, sinon de vous rappeler que la vie est trop courte (rires).

Est-il vrai que vous auriez voulu être musicien ?

Oui. Encore aujourd’hui, si Dieu avait la bonté de me taper sur l’épaule en me disant « deviens ce que tu as toujours rêvé d’être » je voudrais être un grand pianiste de jazz . J’accepterais à la seconde de renoncer à tout travail d’acteur ou de réalisation pour me dédier à cette passion pour laquelle je n’étais, hélas, pas assez doué.