David Bowie avait disparu des écrans radars depuis un concert niçois écourté pour cause de voix défaillante (le 10 novembre 2003) et deux annulations en juillet de l’année suivante, au Gaou et à Monaco. Suite à un incident cardiaque, toute la fin du Reality Tour avait été annulée et, neuf ans après, on était toujours sans nouvelles du Thin White Duke. Les rumeurs les plus alarmistes courraient sur son état de santé et, après la version collector de Station to Station parue en 2010, on s’attendait à voir sortir celle d’Aladdin Sane (prévue pour le 27 mai) sans autre nouvelle de la star anglaise.
Jusqu’à ce 8 janvier 2013, jour de son 66e anniversaire, où, à la surprise générale, était postée sur le site officiel du chanteur, une chanson inédite au titre évocateur (« Où en sommes-nous maintenant? »), annonçant pour le 11 mars un nouvel album dont personne n’avait jamais entendu parler.
Précédé de deux singles, « Where Are We Now » et « The Stars (Are Out Tonight) », l’album, intitulé The Next Day, est ainsi devenu, en quelques jours, le disque le plus attendu de l’année, sinon de la décennie. Il sera demain dans les bacs des disquaires. Faute d’avoir pu l’écouter chez Sony Music France (qui en a réservé la primeur à la seule presse parisienne), on l’a découvert sur Internet, où il a « fuité » une semaine avant sa sortie, le jour même où iTunes le proposait à l’écoute en streaming…

Continuité
Après une semaine d’écoutes intensives, il apparaît clairement que si The Next Day n’est pas le nouveau chef-d’œuvre espéré, ce sera tout de même un disque important dans la discographie de David Bowie. Désormais riche de 24 albums, celle-ci forme une œuvre homogène qui pourra s’étudier comme celle d’un artiste contemporain majeur, avec ses périodes, ses renoncements et ses avancées fulgurantes. The Next Day s’y insère dans la stricte continuité musicale de ses prédécesseurs depuis Lodger (en 1979!), auquel il sera probablement comparé. Une nouvelle rupture majeure dans l’œuvre Bowiesque, ou une relecture de son répertoire Berlinois, entrevues avec « Where Are We Now? » et cette curieuse pochette, détournée de celle de Heroes, n’étaient donc, finalement, pas au programme. Les compositions, le son, les orchestrations, les musiciens (Earl Slick aux guitares) sont les mêmes que sur les cinq albums précédents. Et le retour aux manettes du vieux complice de la période Glam, Tony Visconti, n’a rien changé à l’affaire : son influence semble s’être limitée à quelques citations, comme celle de « Five Years » à la fin de « You Feel So Lonely You Could Die ».
Moins immédiatement séduisant que Reality (mais plus accessible que Heathen, Hours, Earthling et Outside), The Next Day évolue entre rocks rétro-avant gardistes (“The Next Day”, “I’d Rather Be High”), cabaret à la Kurt Weill (“Dirty Boys”), hard rock bruitiste (« (You Will) Set The World On Fire ») et ballades nostalgiques (« Where Are We Now »), voire sépulcrales (« Heat »).Sans tube évident, mais avec assez de compositions puissantes (« Valentine’s Day », « Love Is Lost », « Boss of Me », « Where Are We Now ») pour ne pas être anecdotique. On sait d’emblée qu’il faudra l’écouter longtemps pour en épuiser les charmes et en apprécier la profondeur. Même s’il se refuse apparemment à envisager une tournée, David Bowie est donc bien vivant et en veine d’inspiration. On s’en réjouit et on attend déjà la suite avec impatience.

David Bowie « The Next Day »
(Sony Music)