« J’ai toujours été un journaliste connivent » avoue sans ambages Franz-Olivier Giesbert dans l’avant-propos de « M. le Président », premier brûlot de l’avant campagne présidentielle dans lequel Nicolas Sarkozy en prend pour son grade. Un aveu, mais aussi une manière d’expliquer pourquoi il peut se permettre de traiter le président d’ « égocentrique », « vaniteux », « vantard », et « ramenard » (entre autres amabilités). Parce qu’il le connaît bien et depuis longtemps. Les deux hommes se tutoient et entretiennent des rapports épidermiques, avec des hauts « et beaucoup de bas ». « C’est la loi du genre », estime F.O.G. qui l’a aussi pratiqué, sur des registres différents, avec ses prédécesseurs Jacques Chirac et François Mitterrand. Connivent donc, mais pas courtisan. « Le mauvais esprit est mon péché mignon », reconnaît le ci-devant directeur du Point qui n’entend pas pour autant « faire partie de la moutonnaille sarkophobe ». Explications…


Après Mitterrand et Chirac, un portrait de Sarkozy, ça allait de soi?
Je n’étais pas du tout sûr d’avoir envie de le faire. Une biographie politique, c’est un énorme boulot de documentation, on croule vite sous le poids. Je préfère de loin l’exercice de la fiction et du roman, qui part de la page blanche. J’ai eu un peu de mal à m’y mettre, je l’avoue. L’envie n’est venue qu’en commençant à l’écrire.

Comment définiriez-vous vos rapports avec les trois présidents?
Avec Mitterrand c’était plus affectif. Chirac est toujours resté mystérieux, distant. Sarkozy, je l’ai connu tout jeune. On a beaucoup parlé.On se connaît trés bien.

Le titre du livre est à double sens : « M. le président », cela évoque « M. Le maudit ». D’ailleurs vous l’appelez aussi « N le Maudit ». Quelle est, selon vous, la « malédiction de Sarkozy »?
C’est son caractère, sa personnalité, son égocentrisme. Quoi qu’il fasse, on ne l’aime pas. Ou plutôt on ne l’aime plus.

Pourquoi?
Parce qu’il a refusé d’habiter la fonction. Comme candidat, il était parfait.Mais une fois arrivé au pouvoir, il n’a plus fait aucune concession. Les failles de sa personnalité sont apparues au grand jour. On l’a découvert égocentrique, vantard, ramenard, vaniteux.Surdoué et grotesque à la fois. Son bilan n’est pas négatif, il a fait des choses courageuses et utiles pour le pays et sur le plan international.Notamment au début de la crise économique. Ce n’est pas un monarque clanique, comme ont pu l’être ses prédécesseurs. Pourtant, Sarkozy excite notre fibre régicide.

Vous dites qu’il serait « incapable de gérer une PME »…
Oui, au sens qu’il est incapable de déléguer et veut tout faire. C’est le syndrome type du mauvais manager. Inspirer, déléguer, c’est le rôle d’un chef. Lui, en est incapable. Pourtant, je le répète, son bilan est plutôt positif et de ce point de vue son impopularité est largement injustifiée. Hélas pour lui, on n’est pas élu sur un bilan, mais sur un projet. Et à ce jour, il ne l’a pas trouvé.

Il y a aussi la question de sa culture, dont vous montrez qu’elle est plus grande qu’on ne le croit...
Je la crois réelle, mais plus récente qu’il ne le dit. Il s’est mis à beaucoup lire et il retient tout.Il a une mémoire extraordinaire.

Quelle influence exerce Carla Bruni sur son mari?
Cécilia était son surmoi, il l’a perdu avec elle.Carla l’a ouvert à d’autres univers. Je la crois responsable de son nouvel appétit pour la culture, justement

A-t-il déjà réagi à la publication du livre?
Pas directement. Son entourage reconnait, plus ou moins, qu’il s’agit d’un travail honnête. Il y a des mots qu’il ne peut que trouver agréables et d’autres qui vont sans doute provoquer sa fureur. De toute façon, cela fait des années qu’il demande ma tête à tous mes employeurs, ça ne va pas changer grand-chose...

L’arrêt annoncé de votre émission sur France 2, Semaine Critique, c’est une mesure de rétorsion, selon vous?
Je n’en sais rien.Mais c’est quand même bizarre de supprimer une émission qui fait 6 à 8 % de parts de marché, qui réunit 700000 spectateurs, qui est considérée comme un des meilleurs magazines de télévision et qui a révélé un des meilleurs nouveaux chroniqueurs en la personne de Nicolas Bedos…

Vos projets pour 2012?
Tailler les oliviers de ma maison en Provence, me baigner au Cercle des nageurs de Marseille et écrire un livre sur ma mère.

Vous revoterez Sarkozy?
Se représentera-t-il, déjà? Il a toujours dit que non. Si sa côte de popularité continue à baisser, il pourrait laisser la place à Fillon qu’il a mis sur orbite, peut-être sans le vouloir. En même temps, ce n’est pas le genre à baisser les bras dans l’adversité.Au contraire : ça le galvanise! Et c’est là qu’il est le meilleur. Il peut très bien renaître de ses cendres...

Vous écrivez qu’il a changé...
Je dis qu’aujourd’hui, c’est un homme « fini ».Ca peut s’entendre de deux manières. Et «foutu» n’est pas forcément la bonne.