Cinq ans après « Scandale Mélodique », succès critique et public incontesté, Hubert-Félix Thiéfaine publie lundi son 16e album, « Suppléments de mensonge », qui, si l’on en croit la rumeur pourrait être (enfin !) celui de la reconnaissance. Un comble pour un artiste de 62 ans, qui a déjà derrière lui quarante ans de carrière et une discographie impressionnante. Aussi modeste et discret à la ville qu’exubérant en scène, HFT s’est toujours tenu soigneusement éloigné des paillettes du show biz et a réussi à mener carrière sans compromissions, suivi par un public fidèle à ses élans poétiques depuis les années 70. Ce nouvel album, qui est peut-être son chef d’œuvre, permettra, espérons-le, au grand public, qui le prend pour un poète punk, de découvrir quel grand monsieur de la chanson française il est.

Cette photo de pochette, c’est un hommage à Iggy Pop ?
Ou à Jim Morrison, plutôt? (rires) Non, je voulais quelque chose de relativement intemporel. Qu’on ne puisse pas me reprocher mes fringues ou ma coiffure. Le disque est aussi une sorte de mise à nue.
Vous aviez conscience en l’écrivant qu’il compterait parmi les plus importants de votre carrière ?
On n’a conscience de rien quand on écrit. Une chanson c’est une sécrétion. Certaines viennent même en rêve comme « Infinitives Voiles » sur cet album. Même le titre, je ne sais pas d’où il vient.
Le disque est produit par Edith Fambuena et Jean Louis Pierot, qui avaient réalisé « Fantaisie Militaire » pour Bashung. Vous cherchiez cette atmosphère là ?
Pas du tout. Je ne savais même pas qu’ils avaient travaillé avec lui. Et pour tout vous avouer, je n’ai jamais écouté cet album de Bashung, parce que je n’aimais ni la photo, ni le titre. C’est idiot, mais je vous jure que c’est vrai.
La comparaison vous gène ?
Non. Bashung fait partie des artistes français importants et respectables, même si mes références personnelles sont toujours Brel et Ferré. Ferré, j’ai eu un mal fou à m’en débarrasser. Ca m’a pris des années avant d’arriver à écrire quelque chose qui m’appartenait vraiment.
On va commémorer le 20e anniversaire de la mort de Serge Gainsbourg. Comment jugez-vous son travail avec le recul?
C’est ambigu. J’aime beaucoup les premiers trucs, même dans la variété comme « Initiales BB ». A la fin, je crois qu’il s’est un peu perdu. Son obsession des médias l’a emporté, un peu comme Johnny. Mais quand je dis ça, j’ai l’impression de blasphémer. C’est devenu une icône intouchable.
Vous-mêmes, vous n’aspirez pas à plus de reconnaissance ?
Si bien sur. Les Victoires ne m’ont pas trop manqué jusqu’ici, mais j’étais quand même heureux d’être nommé la dernière fois, pour l’album rock de l’année. Le plus important, c’est de savoir que j’ai un public qui m’est fidèle. Je ne suis pas prêt à me couper de lui pour avoir plus de succès.
Deux des chansons du disque sont extraites d’ « Itinéraire d’un naufragé », votre album fantôme. Pourquoi ne pas l’avoir publié ?
Il s’est passé trop de temps entre l’écriture des chansons et l’enregistrement. Le disque et la tournée avec Paul Personne m’ont pris plus de temps que je ne pensais, puis je suis tombé malade. En sortant de l’hôpital, j’avais d’autres idées et je voulais passer à autre chose. Mais ces chansons là ont résisté.
Les filles du Sud, c’est autobiographique ?
Bien sur. Mais tout est dans la chanson, pas question d’en dire plus (rires).