FR: L'Etat français et ses acolytes détenteurs des leviers économiques ont singulièrement manqué de lucidité et de perspicacité en cet automne 2018. Eux qui brandissent quotidiennement des cohortes de sondages d'opinion censés représenter la température sociale, ils n'ont rien vu ni rien entendu venir. Il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut voir... Car les sondages, c'est bien connu, n'ont pas pour objectif de scruter ni de refléter l'opinion mais bien de la forger. Ecran de fumée qui semble avoir pris la macronie au pouvoir à son propre piège.

La France gronde, mais pas seulement la France. La coupe est pleine pour nombre de populations des pays les plus nantis. Le déclencheur français réside sans doute dans l'arrogance redoublée des élites, leur culot à dépasser des bornes jusque là juste insidieusement repoussées ; au nom du modernisme, de la compétitivité, de l'écologie et autre réformisme fallacieux supposé faire passer la pilule de l'austérité et des coupes sombres tant dans le pouvoir d'achat de la population que dans le budget des services publics que ses impôts financent : l'éducation, la santé, les transports, le logement social, les aides sociales, etc. etc.

La France gronde contre l'accroissement des taxes sur les carburants, annonçaient les médias unanimes au début du mouvement. Singulière cécité à nouveau. Que constate-t-on à peine 3 semaines plus tard ? Que les cibles du mouvement sont d'un côté les péages d'autoroute et les pompes à essence, il est vrai. Mais ce sont tout autant les centres commerciaux, les résidences des représentants de la République (préfectures, mairies, ministères, centres des impôts, etc.), les banques, les panneaux publicitaires, les boutiques de luxe, tous symboles du rouleau compresseur économico-politique qui sème le dénuement au sein d'une population de plus en plus exsangue. Et ces violences visent bien sûr en premier lieu les forces de l'ordre, rempart de la République semblant aujourd'hui bien incapable de contenir une colère insoupçonnée et déployée tous azimuts.

Les clopinettes concédées les 4 et 5 décembre derniers par le gouvernement aux revendications des manifestants de plus en plus nombreux ne vont qu'accroître leur nausée face au mépris des décideurs et leur rejet de cette "paix sociale" qu'on n'achètera plus à coups de promesses et de primes tant dérisoires qu'illusoires.

La violence déployée lors de la dernière grande journée, le 1er décembre, laisse augurer une escalade dans la folie destructrice. Nombre d'autres mouvements et revendications sont en train de se cristalliser et convergent inéluctablement vers ce mouvement des Gilets Jaunes : lycées, hôpitaux, défense du climat, routiers, bientôt les étudiants, etc. etc.

La violence répond à la violence. Celle des manifestants, même si elle n'émane que d'une minorité d'entre eux, témoigne de la violence sociale qu'ils subissent au quotidien. Une violence d'Etat, légale, une violence en terme de conditions de travail et de salaires (les "lois Travail" françaises sont encore dans les mémoires), et de conditions d'existence, une violence sournoise et imparable ; bien pire et destructrice que celle de ces "casseurs" qui n'ont que de piètres moyens pour répliquer.

Les medias et les politiques s'émeuvent des dégâts occasionnés lors de ces manifestations. Pourquoi ne font-il pas aussi grand cas des dégâts occasionnés par les politiques économiques d'austérité et de casse sociale assénées par les gouvernements successifs depuis des décennies (au nom de la Communauté Européenne généralement) ? La collusion, la convergence d'intérêts sont évidentes. Face à elle, pour les couches sociales les plus exposées seule la convergence et la radicalisation des luttes a une chance d'être efficace et "rentable" (pour utiliser le vocabulaire dominant). Et d'ouvrir une brèche dans l'étau qui se resserre toujours plus autour d'elles...


EN: The French government and its acolytes holding the economic levers singularly lacked lucidity and insight in this autumn 2018. They who brandish daily cohorts of opinion polls supposed to represent the social temperature, they did not see anything or heard anything come. There is not more blind person than who does not want to see ... Because polls, it is well known, are not intended to scrutinize or reflect the opinion but to forge it. Screen of smoke that seems to have taken the "macrony" in power to its own trap.

France is growling, but not only France. The cup is full for many people in the richest countries. The French trigger probably resides in the redoubled arrogance of the elite, their boldness to exceed the limits hitherto just insidiously and slowly moved; in the name of modernism, competitiveness, ecology and other fallacious reformism supposed to make us swallowing the pill of austerity and deep cuts both in the purchasing power of the population and in the budget of the public services that his taxes finance: education , health, transportation, social housing ,social assistance, etc. etc.

France scolds against the increase in fuel taxes, announced the unanimous media at the beginning of the movement. Singular blindness again. What do we observe barely 3 weeks later? That the targets of the movement are on the one hand motorway tolls and gas pumps, it is true. But it is as much the shopping centers, the residences of the representatives of the Republic (prefectures, town halls, ministries, tax centers, etc.), the banks, the advertising boards, the luxury shops, all symbols of the économico-political steamroller which sows the bareness within a population increasingly helpless. And this violence is of course in the first place against the police, a bulwark of the Republic today seemingly unable to contain an anger unsuspected and deployed all over the place.

The crumbs conceded on December 4 and 5 by the government to the demands of more and more protesters will only increase their nausea in front of the contempt of the decision-makers and their rejection of this "social peace" that one will not buy any more with promises and bonuses both derisory and illusory.

The violence on the last day, December 1st, augurs an escalation in destructive madness. Many other movements and demands are crystallizing and converging inevitably towards this Yellow Vests movement: high schools, hospitals, road haulers, soon students, climate defenders etc. etc.

Violence responds to violence. That of the demonstrators, even if it emanates only from a minority of them, testifies to the social violence that they undergo daily : a State violence, legal, violence in terms of working conditions and wages (the French "Labor laws" are still in the memories), and conditions of existence, an insidious and unstoppable violence; much worse and destructive than that of these "thugs" who have only poor means to reply.

The media and politicians are upset by the damage caused during these demonstrations. Why aren't they so much by the damage caused by the economic policies of austerity and social breakdown imposed by the successive governments for décades (on behalf of the European Community, generally)? Collusion and convergence of interests are obvious. In front of it, for the most exposed social strata only the convergence and the radicalization of struggles has a chance to be effective and "profitable" (to use the dominant vocabulary). And to open a gap in the vice, the squeeze that is tightening more and more around them...