Une journée de soleil est capable de faire oublier trois semaines de travail difficile et de fatigues accumulées. C’est par cette phrase que mon récit doit commencer.

Pas faciles en effet ces semaines dernières. La nouvelle année démarre en trombe, pas le temps de m’arrêter. Ce n’est plus un travail que j’exécute, je suis une zapette. Un problème réglé ici, c’est un autre qui surgit là-bas. Une solution à droite, un résultat à gauche, la fin d’une tâche derrière, un nouveau chantier devant.

Ce matin je me réveille avec une pensée à ce travail mais j’ai bien dormi, d’une traite. Il fait beau. Tant mieux !

Je rêvais depuis un an d’un second boitier. Voilà c’est fait, je l’ai reçu vendredi. Je vais pouvoir l’essayer par beau temps. Samedi était maussade et la promenade n’a pas été fameuse. Pas bredouille, non, mais juste deux photos : un lierre encore en fruit pris sur le bord de Marne et une sorte de « berce » suintante d’eau gelée. Une promenade dans le froid. A oubier.

Odile, mon épouse, me connait bien, elle me propose une promenade dès le petit déjeuner. Je suis, vous l’aurez deviné, partant. Et presque déjà parti. J’ai choisi d’aller au jard anglais. C’est l’un des trois jardins de Châlons-en-Champagne. C’est un jardin fait de deux grands creux d’herbe entourés de chemin. Une passerelle de bois enjambe le plus grand. L’hiver lorsque la Marne est haute, les creux peuvent être pleins d’eau. Depuis peu, un petit bassin nautique a été ajouté.

Les membres de la ligue protectrice des oiseaux y ont déposé des nichoirs. C’est l’endroit idéal pour photographier les oiseaux. Ils sont habitués à l’homme, nourris, logés et protégés.

Nous laissons la voiture sur un parking presque vide. C’est bon signe. Il n’y aura pas trop de monde dans les allées. Un moineau surveille les passants du haut de sa branche. Le chemin qui longe le canal de l’ancienne écluse est un repère de mésanges. Nous l’empruntons. Quelques canards tentent la traversée du bras d’eau. Il fait encore froid, la brume monte de l’eau.

Un homme nous dépasse et nous salue. Il fait son jogging matinal. Il effraie deux pinsons occupés à chercher de la nourriture sur le bord du chemin. Le givre est encore très présent. Des gouttes de glace pendent des brindilles. Une souche coupée étincelle de cette eau gelée. Un trou en son centre montre la place du cœur qu’elle n’a plus. Une sorte de verdier s’occupe au dessus. Il pique son bec dans de petits fruits en forme de pomme de pin et en retire de quoi se nourrir.

Au bout du jard anglais nous prenons la passerelle qui mène à un sentier qui longe la Marne jusqu’au pont coupé. Un pont détruit par les français pour empêcher les ennemis de l’époque d’avancer. C’est sur ce chemin que j’ai repéré il y a quelques semaines un pic. Un arbre porte d’ailleurs les marques laissée par l’oiseau : des trous ronds aux bords évasés. Des copeaux de bois s'étalent sur le sol. Ce serait génial si le pic était là.

Arrivé à la hauteur de l’arbre pas d’oiseau en vue. Un jogger nous croise. Pendant que je montre à Odile l’endroit où se tenait le pic un autre passant nous salue d’un geste théâtral : « Je vous souhaite une agréable journée ». Après nous avoir dépassé, il ajoute : « doit y’en avoir pour du pognon » en montrant du doigt l’appareil photo. « Un peu » lui réponds-je machinalement.

Hier j’avais vu des troglodytes derrière le lierre en fruit. Je regarde de nouveau. Comment ? Ils ne m’ont pas attendu ? Hier, il ne faisait pas beau, les photos que j’ai prises de ces oiseaux nains ne sont pas belles. Elles sont floues. Les troglodytes sont de tous petits oiseaux, pas plus grands qu’une souris grise. Ils ont une petite queue postée en l’air et se déplacent rapidement au sol entre les racines.

Nous décidons de rentrer. Le four programmé le matin avant notre départ a du démarré et la pintade ne va pas tarder à être rôtie. Avec des pommes cuites ce sera délicieux.

« Tu voulais voir des troglodytes ? Et bien en voilà un » me lance silencieusement Odile. En effet, un petit souriceau emplumé courre sur les racines d'un arbre planté au bord de la Marne. Il est agile et mon objectif à du mal à le suivre. Il a tôt fait de s’éloigner.

Nous rentrons par le jard. En tâches roses des bruyères courent au sol.  Je profite d'un détour pour passer près du bassin d’eau. C’est là que j’ai pris les branches d’un saule il y a quelques jours. Les extrémités en forme de crosse m’avaient attiré le regard. Je sais qu’il y a un platane tout près ou viennent les chardonnerets. Décidément, je n’ai pas de chance. Les chardonnerets restent derrière les branches. Quelques mésanges, des moineaux, des verdiers mangent des graines de tournesol laissées à leur intention.

Un pinson me regarde du haut de sa branche. Il semble me dire « Tu n’as pas honte de manger une pintade à midi ?».

J’ai envie de lui répondre : « mais pas du tout mon cher ami». Et, pour le lui prouver, je rentre effectuer la découpe. Je commencerais par les ailes... 

La fatique du travail ? Y'a bien longtemps qu'elle est oubliée.