Isabelle Huppert est, une fois de plus épatante (à la fois drôle et tragique, une performance) dans le rôle de la mère supérieure amoureuse de La Religieuse, nouvelle adaptation du roman de Diderot signée Guillaume Nicloux. Loin du souvenir hautain et revêche qu’elle a pu laisser à Cannes comme présidente du jury du Festival, c’est une Isabelle gourmande (elle a dévoré son repas), détendue et drôle qu'on retrouve pour parler du film et de sa carrière. La soixantaine lui va décidément très bien…



Votre arrivée dans la dernière partie du film est une surprise: on croit voir débarquer Dark Vador et c’est une femme éperdue d’amour que l’on découvre

Oui, en fait elle gentille ! C’est ça qui vous étonne ? (rires). En fait, Guillaume Nicloux m’a donné le choix entre les trois mères supérieures et c’est celle là que j’ai choisi parce qu’elle était plus amusante à faire. Ce n’est pas une prédatrice mais au contraire quelqu’un d’une grande fragilité. Il y a une forme d'innocence dans la manière dont elle s'y prend pour séduire la jeune novice. L‘effet de contraste est encore plus saisissant du fait que c'est une mère supérieure.


Il parait que Guillaume Nicloux donne très peu d’indications sur les personnages et la façon de jouer?

C’est vrai et j’ai adoré ça, même si cela confine parfois à une certaine sécheresse. Il n’explique rien et fait très peu de prises. Ca va très vite. L'idée, c’est que le décor et les situations suffisent et travaillent pour les acteurs à leur insu. Et puis tout est dans le roman et le scénario. Il suffit de lire.


Justement, vous aviez lu le roman de Diderot?

Je l’ai lu après le scénario. J’ai été amusée d’apprendre qu'il avait perdu son manuscrit et qu’il avait fallu le retraduire de la version allemande de Goethe. Ca ressemble à un acte manqué. Il y a beaucoup de drolerie dans ce roman et je trouve que le film lui est assez fidèle. Diderot se rappelle à notre souvenir, il ne se laisse pas trahir facilement. C’est comme s'il nous disait: „Je suis là“ . Et il est bien là !


Les dialogues sonnent étonnement modernes

C’est le propre des grandes oeuvres: elles racontent toujours quelque chose de notre époque, quelle qu'elle soit. Je ne suis pas allée vérifier l’exactitude de la transcription mais c‘est vrai que la langue de Diderot est tres directe , incarnée et assez facilement discible. C’est littéraire mais facile à jouer.


Louise Bourgoin et Pauline Etienne, vos partenaires ont fait une retraite dans un couvent pour préparer le film. Pas vous ?

Je n’en ai pas ressenti le besoin. Pourtant l’idée d’une retraite spirituelle a pu me tenter à certains moments. Je pourrai peut-être faire ça à Saint Honorat pendant le Festival de Cannes? Ce serait un parfait contraste avec les paillettes de la Croisette ! (rires)



On vous verra cette année à Cannes ?
Je ne sais pas , mais on pourrait (grand sourire). Il y a le film de Serge Bozon, Tip top, qui es tune sorte de comédie policière avec Sandrine Kiberlain et François Damiens. Je fais une commissaire de l’inspection générale des serices. Et puis le Catherine Breillat, adapté de son livre Abus de faiblesse…


La
justesse de vos choix etonne toujours. Pourtant vous n’hesitez pas à prendre des risques…

Le risque ce serait de pas en prendre. Ca permet de créer des surprises. C’est un mélange de controle et d’rinstinct. Je crée les conditions optimales pour avoir du plaisir à faire les choses. Après la vie des films et l'avis des gens sur les films, c'est quelque chose qu’on ne maitrise pas.



Sur quoi se déterminent vos choix au final?
Au départ et avant tout, il y a le metteur en scène. Impossible d'envisager ce que je fais en dehors de ce parametre. Je pourrais me laisser séduire par un bon réalisateur avec un mauvais scénario. Jamais par l’inverse.


Qu’une actrice américaine comme Jessica Chastain vous cite en exemple, cela vous touche?

J‘adore Jessica Chastain, c’est la solidarité des rousses ! (rires) Evidemment le respect et l’admiration sont toujours plus agréables que le contraire. Mais je ne voudrais pas me laisser embaumer vivante. Quand ce que vous avez fait devient plus important que que ce que vous pourriez encore faire, ça deviejnt problématique. J’essaie pour ma part de ne pas donner plus de poids au passé qu'au futur. En fait, je voudrais juste continuer !



Justement, qu’allez vous faire maintenant?

Finir le tournage de Folies Bergères de Marc Fitoussi avec lequel j’avais fait Copacabana et partir en Australie jouer Les Bonnes à l’opéra de Sydney avec Cate Blanchett.