Ce matin, nous entendons une classe passer devant le camion : les enfants de la Vicomté viennent voir le chapiteau et les artistes. On frappe à la porte : c'est un journaliste de Ouest France, venu là pour couvrir ce déplacement, et qui, en discutant avec Sylvie, a appris qu'il y avait aussi des élèves et une maîtresse dans le cirque. Il discute un peu avec nous et a l'air très intéressé par notre mode de fonctionnement (il m'explique qu'il a été instit il y a longtemps). Nous parlons un moment, il prend une photo, et nous aurons la surprise de découvrir un article dans Ouest France ! Gino m'en offrira gentiment un exemplaire quand ça paraîtra !


L'après-midi j'emmène les enfants à Rothéneuf, à cinq kilomètres de Saint-Malo, voir des rochers sculptés par l'Abbé Fouré. Celui-ci, rendu sourd et muet à 55 ans suite à une attaque cérébrale, trouvera ce moyen pour s'exprimer : il sculptera des personnages dans la pierre jusqu'à sa mort. Trois cents personnages verront ainsi le jour, sur une période de plus de quinze ans !

Je trouvais ce site très intéressant, d'autant plus que nous avions déjà travaillé sur l'Art Brut à Cossé le Vivien, avec le musée Robert Tatin. Malheureusement le site se dégrade ineluctablement, avec l'usure naturelle dûe au vent, à la pluie etc. Un certain nombre de personnages sont déjà bien érodés, et je pense que d'ici cinquante ans on ne verra plus grand-chose !


Autre problème : le site est potentiellement dangereux (ça tombe bien à pic par endroits) et les enfants très énervés ! Augustin et Léon ont tendance à exciter les trois petits, et même si Bruno, Odile et Isabelle nous accompagnent, je ne suis vraiment pas détendue ! Du coup, ce n'est un moment agréable pour personne : je suis stressée, ils ont envie de bouger, je n'arrive pas à les canaliser bien longtemps... Pas terrible ! Nous ne restons donc pas longtemps sur place : je prends vite des photos et me dis que nous observerons mieux les statues avec ce support !


Je demande au gars qui gère les entrées (oui, aussi étonnant que ça puisse paraître, c'est payant, même si c'est seulement 2 euros 50 l'entrée et que c'est gratuit jusqu'à dix ans) si nous pouvons trouver une plage pas trop loin. Il nous indique le chemin et nous y allons à pied : c'est une grande plage de sable, les enfants sont aux anges ! Ce midi j'avais demandé à Gino une serviette, pour le cas où nous mettrions les pieds dans l'eau. Il avait eu l'air assez étonné, en me disant "Tu as vu la température qu'il fait ? Je serais étonné que vous ayez envie de mettre les pieds dedans !". Il m'en avait quand même donné une... et nous avons bien fait ! Je voyais difficilement comment aller à moins de cent mètres de la mer sans y mettre les pieds ! Les enfants sont comme ça, mais moi aussi ! Nous ôtons donc chaussures et chaussettes, retroussons les pantalons et les manches, et c'est parti !



Après avoir joué avec les vagues, ils se mettent en quête de coquillages. Léon et Augustin partent vers les rochers, à l'autre bout de la plage : je les vois ramasser des choses, au loin. Je vais voir ce qu'ils fabriquent vers les rochers, laissant les trois petits à Bruno, Isabelle et Odile. C'est là que je verrai ces drôles de rochers, qui semblent contenir des morceaux plus ou moins tendres, ce qui expliquerait les traces d'érosion assez particulières.

En revenant vers les autres je vois qu'Hubert a profité de mon absence pour s'enterrer dans le sable ! Hem hem... Bruno, sous mon regard noir, m'explique : "Bin... J'ai tourné la tête deux secondes, et quand je l'ai regardé à nouveau il était déjà à moitié enterré, donc je l'ai laissé finir, au point où on en était !"

Au moment de partir, Augustin et Léon arrivent avec une énorme cargaison d'os de seiche, qu'ils ont ramassés "pour les pigeons de Carole" ! Ils ont trouvé un vieux bout de grillage et s'en servent pour transporter leur magot : ça fait plaisir de les voir accomplir quelque chose comme ça avec tant de connivence (car, comme tous les frères dont les âges sont proches, ils se disputent assez souvent!).


Nous "désablons" tout le monde et rentrons bien à l'heure car ce soir il y a un spectacle et je ne veux pas qu'ils soient trop fatigués. En arrivant Léon étale tous leurs trésors sur une grande pierre plate, pour que ça sèche tranquillement.


Le soir, pendant le spectacle, le groupe électrogène va nous montrer ses limites : on comptera pas moins de ... cinq coupures d'électricité ! Je garde Firmin dans le camion et Léon est venu terminer un travail avec nous (de son plein gré, je tiens à le préciser, et c'était des devoirs pour son autre maîtresse ! N'appelez pas la DASS, non non je n'ai pas l'habitude dde faire travailler mes élèves jusqu'à 21 heures!). La première coupure arrive quand je vais mettre Firmin au lit. En retournant dans le camion, je réalise que j'ai complètement oublié de préparer le gâteau que je voulais faire pour après le spectacle. Je n'ai plus le temps et le four est électrique, je décide donc de faire autre chose. Seul problème : les réserves de nourriture sont archi vides, je ne sais pas trop quoi faire... J'ai une boîte de thon, des yaourts, des oeufs et des endives. Je décide donc de faire des sortes de "bouchées au thon". Dans l'absolu j'aimerais mélanger au thon des échalotes et de la mayonnaise : je n'ai pas d'échalotes ni même d'oignons... Bon... Je commence à vouloir faire une mayonnaise, et là je m'aperçois que je n'ai pas de batteur (pas grave, j'essaierai de la faire à la main)... ni de moutarde ! Là ça va être plus dur ! Y'a des jours, comme ça... (bien sûr, entre deux, il y a eu une nouvelle coupure d'électricité!). Je finis par faire une simili mayonnaise sans moutarde mais avec du vinaigre : du coup ça tient plus de la sauce vinaigrette qu'autre chose... Bah, je me dis que ça ira bien comme ça, et puis en y goûtant je trouve ça pas trop mal ! Quand je mets la mixture dans les feuilles d'endives, Léon a l'air assez intéressé et voudrait bien y goûter !

Les coupures d'électricité reprennent. Je suis consternée pour eux, j'imagine comme ça doit être compliqué de gérer le spectacle avec ça ! J'espère surtout que ça n'arrive pas pendant un numéro comme le trapèze ou la corde volante... Léon, lui, est plus confiant : "Bah ! T'en fais pas, Gino va gérer ça très bien, il va leur jouer un petit morceau d'harmonica pour les faire patienter!" Finalement, à la quatrième coupure, nous décidons d'agir, à notre petit niveau : je sais que les chauffages pompent pas mal d'énergie, nous faisons donc le tour des convois pour éteindre tous les chauffages. Malheureusement ça ne sera pas suffisant, et ça n'empêchera pas la cinquième et dernière coupure d'arriver ! Les aléas du direct, comme on dit !
Après le spectacle nous allons sous le chapiteau : ils n'ont pas l'air trop bouleversés par les multiples coupures... J'avoue que c'est là l'une des raisons de ma grande admiration pour eux : ici il n'y a pas de problèmes, il n'y a que des solutions !

J'en profite pour les prévenir que je suis allée éteindre les radiateurs et ils rient en m'expliquant que de toute façon ça ne servait à rien car ce n'était pas le même branchement. Didier, gentil comme toujours, me dit "Non mais c'était une bonne initiative, hein ! Cest vrai que ça AURAIT PU améliorer la situation..." Bon... au moins j'aurai essayé !