Si l’on convient que Mommy fut le choc émotionnel de Cannes 2014 (la « Palme du cœur », quoi!), il y avait une certaine logique à programmer en ouverture de cette 68e édition le nouveau film d’Emmanuelle Bercot.Quitte à rompre avec la tradition glamour des soirées d’ouverture. La Tête haute dresse, en effet, un nouveau portrait d’adolescent « à problèmes » (doux euphémisme!), dans lequel le jeune Rod Paradot (18 ans au moment du tournage) fait une prestation presqu’aussi mémorable que celle d’Antoine Olivier Pilon dans le film de Xavier Dolan. C’est la révélation du film (et probablement de l’édition : on lui trouve même des airs de « french Leonardo DiCaprio », c’est dire!), dont la plus grande qualité réside d’ailleurs dans la direction d’acteurs. À l’exception de la malheureuse Sara Forestier, affublée d’un dentier et d’un accent « caillera » grotesque (qu’elle abandonne d’ailleurs en cours de route), tous les acteurs donnent le meilleur d’eux mêmes face à la caméra très mobile d’Emmanuelle Bercot. Deneuve est impériale dans le rôle de la juge pleine de sagesse (et de patience!) et Benoît Magimel est transcendé dans celui de l’éducateur en charge de Malony. C’est l’autre révélation du film (César du second rôle en vue!). Pour le reste, on est moins enthousiaste...
Scénariste de Polisse, le film de Maïwenn dans lequel elle jouait aussi, Emmanuelle Bercot livre avec La Tête haute une vision de la justice qui s’apparente plus au monde des Bisounours qu’à la réalité. Quiconque a un peu fréquenté les palais de justice sait qu’il n’existe probablement pas de juge aussi conciliante que celle campée par Catherine Deneuve, ni d’éducateurs, de policiers et de gardiens de prison aussi attentionnés envers les délinquants, fussent-ils juvéniles. Ce ne serait pas trop gênant, puisque cela sert la dramaturgie et le propos ouvertement militant du film, si celui-ci n’avait pas justement prétention au réalisme, jusque dans sa manière de filmer très «Polissée». Les dialogues sonnent aussi souvent faux et forcés. Lorsque la juge, dans un grand moment d’autocritique digne de Confession intimes dit à l’éducateur : « On pose les rails, mais on ne peut pas conduire la locomotive à leur place », il faut tout le talent de Deneuve pour faire passer la pilule.
Enfin, la répétition des scènes de colère incontrôlable du jeune garçon suivies de brèves périodes de rémission, étire inutilement le film vers le cap fatidique des deux heures. Que dire enfin de la rédemption finale accompagnée de chœurs lyriques?
Qualifié de « Ken Loach Light pour gauche caviar » par un confrère anglais à la dent dure, La tête haute ne mérite peut-être pas tout à fait cette virulence.Mais force est tout de même de reconnaître que le cinéma français a toujours du mal à mettre en scène crédiblement ce type d’histoire.