Tara, le voilier polaire, a mis cap au sud cet automne pour présenter au public les résultats scientifiques de son expédition extrême en Arctique. Après Monaco et avant Marseille, le voilier et son équipage font halte dans le Var, à Hyères et aux Embiez (1). Partout, les visites à bord, guidées par l'équipage, connaissent un grand succès de curiosité : comment les hommes et les femmes embarquées dans l'aventure ont-ils vécu l'isolement absolu, la nuit permanente, les températures glaciales de -47°, le danger permanent que représentaient les ours et les mouvements de la glace ?
Mais au-delà de l'aventure humaine que représentait cette dérive de 5 000 kilomètres dans les glaces du Pôle Nord, le principal enseignement de l'expédition Tara porte sur le réchauffement climatique et la fonte accélérée des glaciers polaires. Tellement accélérée que, même anticipée par les scientifiques lors de la préparation de l'expédition, le bateau est sorti de sa gangue de glace avec... sept mois d'avance ! 507 jours lui ont suffi pour parcourir, en se laissant dériver avec la glace, les 5 000 kilomètres le séparant de son point de sortie, dans le détroit de Fram. En 1897, le norvégien Fritdjof Nansen avait mis trois ans pour faire le même parcours avec son équipage...
Emballement du système
À quoi cette accélération est-elle due ? À deux facteurs conjugués, selon Christian de Maria, coordinateur scientifique de l'expédition : l'élévation des températures plus marquée aux pôles (+2,1° en 50 ans, contre 0,6° pour le reste de la planète) et l'augmentation de la force et de la fréquence des vents créés par des dépressions plus nombreuses. Les relevés effectués par Tara au cours de l'été 2007 ont confirmé un retrait des glaces supérieur de 40 % à celui de 1979 (3 millions de kilomètres carrés en moins !) et un amincissement de la couche de prés de 50 %. Plus légère et soufflée par des vents plus puissants, la banquise dérive plus vite. A cela s'ajoute, explique Christian de Maria, l'inversion progressive de l'effet de l'albédo : alors que la glace réfléchit vers l'espace 80 % du rayonnement solaire, l'océan, lui, l'absorbe dans les mêmes proportions et le transforme en chaleur. Résultat : plus la glace fond, plus la température augmente... Et plus la glace fond ! « Cela explique l'emballement du système auquel nous assistons en Arctique » confirme l'océanographe Jean-Claude Gascard, coordinateur de la mission Damoclès dont fait partie l'expédition Tara.
Bien que les relevés ne soient pas encore terminés pour l'été 2008, ils devraient confirmer ceux de l'été 2007 avec un nouveau retrait record, estime le coordinateur scientifique de l'expédition : « A ce rythme-là, prévoit-il, en 2012 la banquise aura totalement disparu en été ».

(1) La goélette Tara et son exposition seront visibles à Hyères jusqu'au 15 septembre, aux Embiez du 18 au 23, puis à Marseille les 24, 25 et 26 septembre. Elle devrait ensuite rejoindre Paris pour s'amarrer pour deux mois au pied du pont Alexandre III, à compter du 15 novembre.