À 25 ans, Adèle Haenel est l’une des actrices les plus accomplies de sa génération. Repérée à 13 ans par Christophe Ruggia, qui lui offre son premier rôle dans Les Diables, son talent explose déjà, 5 ans plus tard, à Cannes dans Naissance des pieuvres de Céline Sciamma, présenté au Certain Regard et qui lui vaut une première nomination aux césars. Il a pourtant fallu le césar du meilleur second rôle féminin reçu cet hiver pour son interprétation de la sœur de Sara Forestier dans Suzanne, de Katell Quillévéré, pour que le grand public s’aperçoive enfin qu’il tenait une des futures stars du cinéma français. De retour à Cannes au mois de mai, Adèle Haenel portait deux films sur ses solides épaules d’ex-nageuse : Les Combattants, formidable premier film de Thomas Cailley qui sortira le 20 août, et L’Homme qu’on aimait trop d’André Téchiné, dans lequel elle incarne Agnès Leroux, la fille de l’ancienne propriétaire du casino Ruhl à Nice, disparue en 1977 et personnage central de l’affaire pour laquelle Maurice Agnelet a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Adèle parle du tournage avec la voix cassée, le débit d’AK47 et la franchise très directe qui font une partie de son charme…

Comment avez-vous vécu la présentation des deux films à Cannes?
Je commence à être un peu habituée.Je devrais d’ailleurs jouer au Quinté, parce qu’il semble que je joue à chaque fois les bons chevaux pour Cannes. J’ai vécu ça dans une continuité assez tranquille.Les Combattants ont été très bien accueillis, le Téchiné un peu moins.Mais comme on n’était pas en compétition il n’y avait pas trop de pression.

Téchiné vous a-t-il dit pourquoi il vous avait choisi pour incarner Agnès Leroux?
Non, ça a été très vite.Je n’ai pas fait de casting, ni rien.Il m’a juste demandé si je voulais faire le film et j‘ai dit oui.

C’est votre premier film avec un réalisateur confirmé et des acteurs vedettes.Vous étiez impressionnée?
Un peu quand même.J’ai essayé de rester calme dans mon coin les premiers jours, de pas trop me faire remarquer (rires) . Mais tout le monde a été très accueillant avec moi.Deneuve notamment…

Comment avez-vous travaillé le rôle d’Agnès?

C’est un personnage assez mystérieux.On ne sait pas grand-chose d’elle, au fond.J’ai lu ses lettres et rencontré son frère, bien sûr, mais je ne voulais pas trop me caler sur les souvenirs forcément parcellaires qu’en ont gardés ses proches.J’ai préféré rester dans la fiction et laisser la charge du réel à Téchiné. Je l’ai jouée totalement dans le présent, scène par scène, sans me préoccuper de ce qu’il y avait dans sa vie avant ou après.

Comment définiriez-vous l’Agnès que vous jouez?

C’est un mélange de force et de faiblesse.Elle est en rupture avec sa famille, mais a l’assurance que donne son statut social privilégié. Elle avance comme un tank, jusqu’à
ce que son histoire d’amour malheureuse avec Agnelet fasse éclater au grand jour sa faiblesse.

Qu’est ce qui vous a donné envie de faire du cinéma?

Le premier film que j’ai tourné.J’avais 12 ans et j’ai été repérée par un casting sauvage.Je faisais du théâtre depuis l’âge de 5ans mais je ne me posais pas la question.Ca a commencé à me sembler possible après Naissance des pieuvres mais j’ai encore mis un peu de temps à me dire que j’allais vraiment faire ça.Je faisais des études d’économie et j’aurais probablement fini DRH ou quelque chose comme ça…
On vous confond souvent avec Adèle Exarchopoulos depuis La vie d’Adèle?
Pas trop non, ça va.On me confond plutôt avec une des meufs de 17 filles (Yara Pilartz? Louise Grinberg? N.D.L.R.).Je ne sais pas pourquoi. Ca fait plusieurs fois qu’on me dit « Vous étiez super dans ce film! » (rires).Ca me fait rigoler.