Une des raisons de l’extraordinaire longévité de Deep Purple (45 ans d’existence, 19 albums, des milliers de concerts dans le monde entier), malgré les dissensions internes et les changements de personnel (8 moutures depuis 1968), tient sans doute au parfait professionnalisme de ses membres, qui se sont toujours considérés comme des musiciens plutôt que comme des rockstars. Ian Gillan, le chanteur historique du groupe, en est le meilleur exemple.Il n’y a plus beaucoup de rockers de son calibre qui acceptent les interviews au débotté et qui , en plus, arrivent à l’heure au rendez-vous avec une véritable envie d’échanger des idées sur le groupe, sa carrière et son travail.C’est pourtant ce qu’il a fait, quelques heures avant le concert de Deep Purple, hier soir, au Sporting Summer Festival de Monte Carlo...

Vous faites rarement des concerts en club, comme ici.Est-ce que ça change quelque chose pour le groupe?
C’est vrai que Monaco, c’est spécial.Généralement, on fait un set dans une petite salle pour lancer la tournée et c’est tout. Le reste du temps, on joue dans des grandes salles ou des festivals.Mais non, ça ne change rien pour nous.Et ce, pour la bonne et simple raison qu’on ne se demande jamais pour qui on joue.On fait comme on a toujours fait depuis nos débuts : on joue pour nous!

Qu’est ce qui vous pousse à continuer après tout ce temps?

Ben, ça justement: le plaisir de jouer.On est des musiciens, c’est ce qu’on fait dans la vie.Le fait de se considérer plutôt comme un groupe de scène que comme un groupe à albums permet de garder une certaine fraîcheur.On improvise beaucoup et nos shows ne sont jamais deux fois les mêmes.Même si on joue les mêmes chansons, on ne les joue jamais pareil.

Votre nouvel album « Now What? » est produit par Bob Ezrin qui est à sa manière lui aussi une légende du rock.Pourquoi l’avoir choisi?Sentiez vous que vous teniez quelque chose de spécial, ou de différent?

Non, non on ne sentait rien du tout! (rires).Ca ne risquait pas d’ailleurs puisqu’on rentre toujours en studio sans avoir la moindre idée de ce qu’on va enregistrer.Les chansons se développent en improvisant entre nous. En fait, c'est Bob qui voulait travailler avec nous. On était ravis et flattés , mais ça n'a pas fondamentalement changé notre façon de travailler. Il nous a juste aidés à faire le tri entre les bonnes idées et les mauvaises .Comme s’il était le sixième membre du groupe.

Contrairement à la plupart des groupes de son époque et de sa notoriété, Deep Purple semble n’avoir jamais eu de problèmes de drogue. Comment cela se fait-il?
C’est vrai qu'il n'y avait pas de drogues dans Depp Purple. Ca n’intéressait vraiment personne de monter sur scène complètement défoncé. Croyez le ou non, je n'ai moi-même fumé mon premier joint qu'à l'âge de 38 ans. Bon, on a commencé dans les pubs et on a quand même pas mal picolé. Même si , à l'époque, le gérant empêchait les gamins comme nous de boire plus que de raison. Mais on a eu toute sorte d’autres problèmes... (rires).

Qu’est ce qui vous opposait à Ritchie Blackmore, votre guitariste, au point qu’il a fini par quitter le groupe?

Sa mégalomanie infernale, essentiellement. Mais on a été amis pendant très longtemps.

Vous avez dit, dans une interview, que son départ a été la meilleure chose qui soit arrivée au groupe.Ce n’est pas un peu dur?

Je n’ai pas dit exactement cela.Je dis toujours que s’il n’était pas parti, le groupe n’existerait plus aujourd’hui. Son public non plus, d’ailleurs. Mais je respecte totalement son héritage : le son de Deep Purple, c’est lui qui l’a forgé avec Roger, Jon et Ian. On suit toujours le cadre qu’ils ont tracé.

Si vous décidiez de passer la main à votre tour, le groupe pourrait-il encore continuer sans vous?

Je le voudrais sincèrement.J’adorerais que Deep Purple nous survive et que dans 40 ans d’autres musiciens jouent encore notre musique.Mais, hélas, je n’y crois pas.L’alchimie des groupes est particulière.Cela ne tient pas qu’au talent .La personnalité des uns et des autres compte pour beaucoup.

Que feriez vous si je vous disais qu’il y a de la fumée sur l’eau (Smoke on the Water), là derrière vous ?
J’appelerais les pompiers !

Qui a mis le feu au casino de Montreux ?
On ne sait toujours pas. Un type aux Etats Unis s’est accusé de l‘avoir fait, mais on n’a jamais pu vérifier.Du coup, pas besoin de modifier les paroles de «Smoke on the Water».

C’est vrai que vous avez chanté avec Pavarotti?

Oui, une ou deux fois.C'était un ami et il était fan de Deep Purple. Il me disait : «Je t’envie de pouvoir chanter tes chansons différemment à chaque fois.Si je faisais ça, mon public me crucifierait!». Il me faisait penser à mon grand père qui était aussi capable de faire trembler les murs en chantant. Son départ a laissé un grand vide, tout comme ceux de Claude Nobs et de Jon Lord. Le monde était meilleur avec eux.

Si je vendais un ticket pour le concert de reformation de Led Zeppelin ou de Black Sabbath, lequel acheteriez vous ?

Black Sabbath sans hésitation. Au moins, ils répètent avant de jouer eux !

Question de saison : "Qu'est ce que tu fais pour les vacances" ?
On prend quatre semaines de break en septembre avant de reprendre la tournée.Alors, je crois que je vais profiter de ma petite maison au sud du Portugal pour aller jouer au golf, marcher sur la plage, boire quelques bières bien fraiches et passer du temps en bonne compagnie. Mon idée des vacances idéales ressemble assez à ça: loin de la ville, dans un coin tranquille au bord de la mer ou à la campagne...

Deux mots sur le concert du Sporting, pour conclure. Deep Purple a fait le job, avec une setlist qui laissait la plus large part aux classiques du groupe (Fireball en intro, Smoke, Lazy, Strange Kind of Woman, The Mule, Space Trucking , Hush...) et aux chansons du nouvel album (Vincent Price, Hell To Pay...). La rythmique Glover Paice est toujours ce qui se fait de mieux en hard, le jeu de Steve Morse à la guitare est spectaculaire (parfois un peu trop même) et celui de Don Airey aux claviers fait presque oublier Jon Lord. La voix de Ian Gillan n'est certes plus ce qu'elle était et peine à grimper dans les aigus, mais sa présence donne un supplément d'âme et de légitimité à la formation.
La salle était pleine et le public était rav, mais honnêtement, le Sporting n'est vraiment pas l'endroit idéal pour écouter du hard rock. Et, aujourd'hui, sans doute vaut-il mieux ne voir le Pourpre Profond que de loin, si on veut retrouver ses émotions de jeunesse...