A bientôt 85 ans (il les fêtera au mois de mai), Jean Becker n’a pas craint de se lancer dans un film de guerre en adaptant le roman de Jean Christophe Ruffin, Le Collier Rouge.L’histoire d’un poilu de 14-18 (Nicolas Duvauchelle) jugé pour outrage à la patrie après avoir été décoré de la légion d’honneur pour acte de bravoure. Toujours bon pied bon œil, casquette vissée sur le crâne et moustache frétillante, le doyen du cinéma français est venu présenter son film en avant première à Nice et nous a parlé de son travail...

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter ce livre ?
C’est un ami monteur qui me l’a donné à lire.Il était sûr que ça me plairait et que je pourrais en tirer un film.J’ai beaucoup aimé le livre , l’écriture de Ruffin est très visuelle, mais surtout, cela parle de gens simples, de rapports humains, ça se passe à la campagne... Tout ce que j’aime filmer.
Les scènes de guerre ne vous faisaient pas peur?
C’était effectivement la seule inquiétude que je pouvais avoir.A mon âge, je me disais que ce serait sans doute difficile à tourner.Mais j’ai pensé que je pourrais me faire assister et qu’en m’entourant bien ce serait possible. Yves Angelo, le chef opérateur du film est aussi réalisateur.Il m’a bien aidé et je crois que les scènes de tranchées sont assez réussies. J’en suis fier parce que les figurants ont passé un sale moment dans la boue pour les tourner.Il y en a un qui est venu me voir dans la casemate que je m’étais emmenagée pour être à l’abri.Quand il m’a remercié au nom de tous les autres, je pensais qu’ils se foutaient de moi.Mais non: ils étaient content d’avoir pu contribuer au réalisme de la reconstitution.Cette guerre a vraiment été une boucherie inutile.C’était important de le montrer de cette manière.
Qu’est-ce qui vous attirait le plus dans le roman : l’histoire d’amour, la dénonciation de la guerre ou le contexte social ?
L’intérêt du livre, justement, c’est que tout est trés lié.Mais ce sont toujours les rapports humains que je privilégie.Le personnage de la femme que joue Sophie Verbeeck est particulièrement interessant.Elle est trés moderne pour son époque...
Qu’avez -vous modifié ?
Seulement la fin, avec le chien.Je n’arrivais pas à croire à celle de Ruffin.Je le lui ai dit et il m’a raconté qu’il avait reçu plein de courrier pour lui reprocher cette fin.Il était trés ému en voyant le film et m’a remercié.
Cluzet-Duvauchelle, c’était votre choix?
Oui.En lisant le livre je me disais que Cluzet était l’acteur idéal pour le rôle de Lantier.On n’avait plus travaillé ensemble depuis L’Eté meurtrier.Duvauchelle est venu après.
L’été meurtrier reste votre film le plus célèbre.Est-ce aussi celui que vous préférez?
C’est un film qui a été trés important pour ma carrière.Mais j’aime aussi beaucoup Les Enfants du marais et Deux jours à tuer, qui est peut-être celui dont l’histoire me touche le plus.
Le prochain?
Je ne sais pas trop.Un huis clos à deux personnages dans une petite pièce, ça m’irait bien.Mais si on m’apportait une histoire du genre 12 hommes en colère, je serais prêt à tourner demain.
Quel regard portez-vous sur votre longue et riche carrière?
Je voulais vraiment faire ce mêtier.Au départ, je m’étais dit que j’allais être acteur mais j’étais à chier.Alors j’ai travaillé comme assistant réalisateur et j’ai aidé mon père à finir son dernier film.Avant de mourir, il m’a dit que je m’étais bien débrouillé, alors j’ai continué. J’ai été à bonne école avec lui et je crois que j’ai été bon élève.