Rencontrée àAngoulême, où elle était la plus sérieuse et assidue des jurés du 10e Festival du film francophone, l’ex-présentatrice des journaux du week-end de TF1, nous a parlé sans détour de sa nouvelle vie...

Une fois n’est pas coutume: John Malkovich s’est fait souffler la vedette.AAngoulême, où il présidait le jury du 10e Festival du film francophone, le public n’avait d’yeux que pour l’une de ses jurées: Claire Chazal.Malgré les sollicitations nombreuses pour des autographes et des selfies, l’ex-présentatrice des journaux du week-end de TF1 ne s’est pourtant pas laissée distraire de son rôle, enchaînant sans broncher les projections et les réunions surprises convoquées par son président.Vraie cinéphile, elle était il est vrai à son affaire et l’impeccable palmarès du festival (Petit Paysan et Une Famille Syrienne ex-aequo en nombre de récompenses) lui doit sans doute beaucoup. Elle a tout de même trouvé le temps de nous parler de l’après TF1 et de ses projets, en grillant une blonde et en sirotant un verre de vin blanc.Histoire, peut-être, de faire mentir la réputation d’ascèse que lui ont valu ses imprudentes confidences estivales à Paris Match (1)...
C’est la première fois que vous faites partie du jury d’un festival de cinéma?
Oui.J’avais été jurée de prix littéraires, mais pour le cinéma, avec le journal, je n’avais jamais le temps. Pourtant, j’ai toujours aimé le cinéma et j’ai toujours essayé, que ce soit dans les journaux de TF1 et maintenant dans mes émissions, de le mettre en avant.En matière culturelle, je suis persuadée qu’on peut parler au plus grand nombre de ce qui est notre patrimoine, notre singularité dans le monde et notre atout numéro un. Bref, quand Dominique Besnehard m’a proposé d’intégrer le jury des dix ans du festival d’Angoulême, j’ai dit oui tout de suite.
Quels sont vos goûts de spectatrice?
Je suis assez éclectique.J’aime plus le cinéma d’auteur que le cinéma à grand spectacle, le cinéma intimiste plus que les blockbusters.Mais je suis parfois absolument bluffée par les films américains comme Moonlight, Patterson et Manchester by the sea. Le systême anglo-saxon force l’admiration.Mais il y a aussi un cinéma francophone exceptionnel, comme celui de Xavier Dolan: un cinéaste qui me touche énormément. Cette année, j’ai beaucoup aimé Divines, d’ Houda Benyamina qui offre un regard pas caricatural sur la banlieue, avec des personnages vrais et touchants. Je n’ai pas encore pu voir 120 battements par minute. Le sujet est tellement douloureux pour moi, qui ai traversé ces années-là et perdu beaucoup d’amis, que je retarde inconsciemment le moment d’aller le voir. Mais j’irai, c’est sûr.
Comment avez-vous vécu l’après TF1?
Ca a été violent.C’est une décision de la chaîne que je n’avais pas du tout anticipée et qui m’a privée de ce que j’aimais le plus: le reportage, le traitement de l’actualité, la politique, qu’on a essayé de traiter le mieux possible pendant tout ce temps... Il y a eu des moments difficiles, de frustration intense et de regrets, où je me suis sentie très inutile.Notamment lors les attentats de Paris.C’étaient mes premiers moments hors de l’antenne. Pour la première fois, je ne participais pas à l’émotion collective. J’aurais tellement voulu être à l’antenne ce week-end là… La campagne présidentielle «chamboule tout» a évidemment été un autre moment où je me suis sentie particulièrement frustrée. Tous ces rebondissements incroyables! Au final, j’ai eu beaucoup de chance que France 5 me propose un magazine culturel.La culture m’intéresse beaucoup et depuis toujours.Même si l’audience d’Entrée Libre est plus confidentielle que celle du journal, je me réjouis déjà de la reprise de l’émission le 18 septembre avec comme premier invité Étienne Daho.Il y donnera sa première interview télé pour son nouvel album…

Pensez-vous avoir été victime du nouveau «jeunisme» des chaînes de télévision?
Je ne l’ai pas analysé comme ça sur le coup. Je trouve formidable le renouvellement des élites, l’arrivée de nouvelles têtes, notamment en politique.Il faut évidemment donner leur chance aux jeunes, sortir des codes et des réflexes anciens, en politique comme dans les médias. Mais je suis contre le systématisme. On peut aussi valoriser l’expérience.Un excès de jeunisme n’est pas pertinent, comme tous les excès. Il faut toujours chercher les moyens termes…
Quels sont les meilleurs et les pires souvenirs que vous garderez du vingt heures?
C’est une question difficile car, pour moi, les meilleurs souvenirs sont des souvenirs d’intensité qui correspondent souvent, hélas, à des moments dramatiques de l’actualité.Pour la mort d’Isaac Rabin, par exemple, on a fait le journal en direct de Jérusalem. C’était un de mes premiers journaux à l’extérieur et je me suis sentie investie d’une mission. Il y a aussi, heureusement, des événements joyeux, où l’on participe à la liesse collective, comme les grands rendez-vous sportifs… Mes moins bons souvenirs sont liés à des interviews difficiles, comme celle de Laurent Fabius sur le sang contaminé ou celle de Dominique Baudis au moment de la rumeur de Toulouse. On ne sait jamais, sur le coup, si on a la bonne attitude…

Est-ce de cela que traite le livre que vous écrivez?
Pas uniquement.Ces années, ce métier, ont été très importants pour moi, bien sûr, et j’ai eu beaucoup de chance de l’exercer de cette manière. Mais si je veux parler de moi, je dois parler d’autres choses. Le monde médiatique ne m’intéresse pas. Le métier de journaliste oui, l’information bien sûr, mais le ramdam médiatique, non.

Votre vie a-t-elle changé depuis votre départ du journal?
J’ai retrouvé des week-end! Je n’en ai pas eu pendant 25 ans… Ca n’a pas été facile au début.J’avais une impression de vide terrible, car je n’aime pas l’inactivité.Je n’ai jamais été trés fan des vacances, par exemple.Mais je peux désormais consacrer plus de temps au spectacle vivant, à la culture, à la pratique de la danse et à mettre en valeur les artistes que j’aime...
Et le regard des autres, a-t-il changélui aussi ?
Heureusement non.J’avais peur d’être oubliée.On est quand même attaché à la popularité, à cette amitié que les gens vous témoignent, à l’attachement qu’ils ont pour vous.Je sais que je le dois à TF1 et à la puissance de ce média, la télévision, qui a fait que, pendant des années, je rentrais chez des millions de gens deux fois par semaine. Mais je constate que les gens restent attachés à moi et j’ai l’impression que cela va durer, même sans TF1. Je reçois des témoignages anonymes quotidiens de gens de la rue qui me disent qu’ils me regrettent.Cela me touche énormément.Je leur réponds qu’ils peuvent regarder une autre chaîne, mais je comprends qu’ils ont l’impression de m‘avoir perdue...

(1) Dans un entretien accordé à Marc-Olivier Fogiel qui la complimentait sur sa silhouette, effectivement juvénile, Claire Chazal a affirmé trouver «plaisir à l’assèchement, à l’ascèse, à l’idée même qu’on s’affame»