Claude Lelouch a une nouvelle marotte: les «Ateliers du cinéma» qu’il a ouverts à Beaune (Côte-d’Or) et dont les élèves doivent apprendre à faire du cinéma comme lui-même l’a fait.Sur le tas! La première promotion a ainsi eu la chance de travailler sur son nouveau film Chacun sa vie.Une fresque chorale de presque deux heures, qui réunit le ban et l’arrière-ban du cinéma français.Pas moins de 26 acteurs et actrices, dont un débutant célèbre: l’avocat Eric Dupont-Moretti, casté dans le rôle d’un président de tribunal.Tout se passe à Beaune, où les destins des uns et des autres se croisent.C’est aussi là que le maître nous a invités à découvrir le film en compagnie de quelques-uns de ses acteurs…


Quelle était l’idée de départ de Chacun sa vie?
C’est mon premier film sur la province.Je voulais faire le portrait de français moyens dans une France moyenne. Montrer la France telle que je la vois et telle que je l’aime. En province, tout le monde se connaît sans se connaître.On se rend mieux compte que chacun est relié à l’autre par un fil invisible.Je fais des films d’observation. Je suis un reporter de la vie.Un metteur en vie, plus qu’un metteur en scène. J’ai passé ma vie à observer les hommes. C’est un spectacle dont je ne me lasse pas…
Pourquoi Beaune?
J’ai choisi Beaune pour son architecture.C’est une ville très ciné génique.Et aussi parce que j’y ai créé les Ateliers du cinéma. Les étudiants de la première promotion ont suivi toutes les étapes du film.Ce sont les premiers auxquels j’ai raconté l’histoire et ils ont travaillé sur toutes les étapes, du tournage au montage final. C’est la meilleure façon d’apprendre le cinéma: en le faisant.C’est comme ça que j’ai débuté, en 1957.60 ans plus tard, je leur passe le relais.
La forme est très libre.C’est presque un film à sketches…
En fait, il y a 13 histoires réunies dans une seule. J’aurais pu en tirer 13 films, mais à mon âge je n’aurais pas eu le temps de les faire tous.Alors je fais des compressions. Mes prochains films seront aussi concentrés car il me reste peu de temps. Je crois que les spectateurs d’aujourd’hui ont une culture du cinéma suffisante pour qu’on n’ait plus besoin de tout leur expliquer.On peut faire des ellipses et aller à l’essentiel.
Le casting est incroyable…
C’est vrai que la feuille de service de la scène de tribunal, où tous les personnages sont réunis, est sans doute unique dans l’histoire du cinéma! Tous les comédiens qui étaient disponibles pour le tournage m’ont dit oui spontanément.Ils sont venus sans trop savoir ce qu’ils allaient faire, avec beaucoup de générosité et d’amour pour la comédie.Le film leur doit tout.Je n’ai été qu’un synchronisateur.

Vous avez beaucoup improvisé?
Tout était écrit, mais ma façon de faire c’est qu’au moment du tournage, on oublie tout.Le tournage est plus fort que le scénario. Chaque acteur apporte sa personnalité, son talent, ses idées.Ils sont autant les auteurs du film que moi. J’essaie juste de leur voler des parfums de vérité.
Eric Dupont-Moretti est formidable face à Beatrice Dalle.Comment avez-vous eu idée de le caster?
C’est un peu mon job de repérer les talents d’acteur.J’ai été le premier à déceler ce don chez Bernard Tapie.Dupont- Moretti, je suis allé le voir plaider et je l’ai trouvé incroyablement puissant.Je me suis tout de suite dit que s’il était comme ça devant une caméra, c’était le nouveau Lino Ventura. La scène du tribunal dans le film est directement inspirée de mon observation ce jour-là. J’ai pensé que celui qui était dans le box n’était pas forcément le seul coupable.Tous les autres, juges, avocats, témoins, avaient sans doute aussi des choses à se reprocher.On a tous des casseroles.L’actuelle campagne électorale en est la démonstration flagrante…