Ludion télévisuel, homme de théâtre, animateur radio matinal, acteur et réalisateur, Édouard Baer est partout en ce début d’année, mais surtout au cinéma où sort son troisième long-métrage, le formidable Ouvert la nuit déambulation foutraque mais hilarante dans un Paris nocturne et lumineux à la fois (voir Notre Avis).Pour en parler avec lui c’est open Baer!
Luigi c’est vous?
En très exagéré alors! C’est moi comme je voudrais et que j’ai peur d’être. Plus galvanisant, plus courageux, plus sombre, plus menteur, plus manipulateur… C’est un personnage de fiction.Si on croit qu’on peut se mesurer à la fiction, il faut aller voir un psy.Mais j’en ai connu qui lui ressemblent.Jean-François Bizot le patron d’Actuel (à qui le film est dédié N.D.L.R) dirigeait son journal et sa radio (Nova N.D.L.R) comme Luigi son théâtre.Serrault, Depardieu et Poelvoorde ont son côté «en représentation permanente». Ca peut être fatigant, mais je trouve ça généreux de leur part. Ils sont «hors normes», sans leur folie le mode serait terriblement ennuyeux.
Ca vous arrive encore de partir à l’aventure dans Paris?
Plus trop non.Je deviendrais vite nostalgique, modianesque. Je le fais plutôt en province quand je suis en tournée.J’adore me balader, trouver le dernier truc ouvert où il y a encore de la lumière.M’arrêter à une fenêtre parce que ça sent bon et me faire inviter à dîner comme faisait Carmet.Je ne suis pas Alain Delon, les gens ne s’évanouissent pas quand ils me voient.J’ai une célébrité de proximité, je peux encore faire ce genre de trucs.

Filmer Paris la nuit, c’était ça le projet?
Le sujet c’est Paris mais j’espère que ce n’est pas un film parisien. C’est un Paris idéalisé, celui du personnage qui le voit effectivement comme ça parce qu’il a une capacité infinie à s’enthousiasmer, à être curieux de tout et surtout de tous.La nuit, c’est pareil.Ce n’est pas celle des professionnels, c’est celle où les gens sont en pause, abordables, celle où on se tient chaud parce que ça fait un peu peur.Je voulais faire le portrait de quelqu’un qui vit la nuit comme le jour en fait, dans un monde non virtuel, en croyant qu’on peut tout régler simplement en allant voir les gens, leur parler…
Parler, vous savez faire.C’est même devenu votre marque de fabrique.D’où vous vient cette éloquence infernale, cette capacité à improviser sans fin, en étant toujours à la fois drôle et littéraire?
Je n’aime pas tellement la musique, je ne danse pas, alors je parle.C’est très facile de dire des bêtises très fort: c’est le talent des imbéciles! Et puis souvenez-vous du monologue de Solal dans Belle du Seigneur.Il lui dit: «Écoute-moi après tu vas m’aimer».Huit pages de discours et elle lui tombe dans les bras! C’est formidable. Après, c’est comme pour jouer la comédie: il faut être sincère ETavoir la technique.L’un sans l’autre, ça ne suffit pas. On le voit en politique: il y a les machines à langue de bois et les vrais orateurs.
Quelles étaient vos influences pour ce film?
Ben Gazzara dans Meurtre d’un bookmaker chinois de Cassavetes, Le Fanfaron, Coups de feu sur Broadway qui est un de mes Woody Allen préféré.J’adore les films de coulisses…
Vous êtes le dernier à avoir fait tourner Galabru. Comment ça s’est passé?
Ca l’amusait de jouer cette scène.C’est une situation qu’il a bien connue dans sa carrière.Sa dernière phrase à l’écran aura été «A mon âge, c’est toujours difficile de prévoir l’avenir». Il avait la capacité de transformer n’importe quelle réplique en phrase culte.Les gens avaient plus que de la tendresse pour lui: de l’admiration.Alors que lui, se vivait comme un acteur ringard…