C’est dans un restaurant chic d’Aix en Provence, avec vue sur la Sainte Victoire que Daniele Thompson nous a raconté la génèse du tournage de son nouveau film Cézanne et moi, qui raconte, l’amitié d’enfance du peintre provençal avec Emile Zola, puis leur brouille à l’âge adulte sur fond de jalousie, de rivalité amoureuse, de réussite de l’un et d’échec de l’autre. À la fin de l’entretien, un coup de fil lui apprenait que le film était retenu par le CNC pour faire partie des candidats français à l’Oscar du film étranger.De bon augure après l’échec de son film précédent (des Gens qui s’embrassent en 2013)...

Comment vous est venue l’idée de ce film?
Il y a une dizaine d’années, j’ai lu un article qui racontait l’amitié qui unissait Cézanne et Zola et la brouille qui les a séparés à la fin de leur vie.Ca m’avait frappé parce que c’est une histoire peu connue concernant deux grands hommes.Leur brouille recelait une dramaturgie qui dépassait la simple anecdote.
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour en faire un film?
J’avais le malheur de faire des comédies qui marchaient très bien.Chaque fois que je reparlais de cette histoire aux producteurs ils me disaient : « C’est passionnant, mais si tu nous refaisais plutôt une petite comédie? » (rires). Il se trouve que la dernière n’a pas marché du tout.La critique l’a démolie et les gens n’ont pas eu envie d’aller la voir. Au lieu de sombrer dans la dépression qui me guettait, je me suis aussitôt mise au travail sur ce projet et ça m’a beaucoup aidé à passer le cap. Comme je ne savais quasiment rien sur les deux protagonistes, j’ai lu tout ce que je pouvais lire et j’ai été visiter tous les musées où se trouvaient des toiles de Cézanne.J’ai revu le Van Gogh de Pialat, celui de Minelli, Un Dimanche à la campagne de Tavernier, Renoir, Le déjeuner sur l’herbe… J’avais l’impression d’être à nouveau étudiante, c’était génial!
Pourtant vous montrez très peu de peinture et presque pas Zola au travail…
Dès qu’on rentre dans une histoire comme celle-là, plus on en apprend, plus on a envie d’en savoir.Mais il ne faut pas se noyer dans la recherche.A un moment, il faut arrêter de se documenter et se mettre à écrire.Mon sujet, ce n’était pas leur art ou leur carrière, mais leur amitié confrontée au succès de l’un et à l’infortune de l’autre. Et puis, Cézanne pouvait passer des heures à regarder un paysage avant de commencer à le peindre. Filmer ça, aurait pris un temps fou ! (rires)Déjà qu’il a fallu couper beaucoup de scènes…J’ai été prise d’une véritable ivresse de filmer dans la nature aixoise.Tout part de là!

Pourquoi Cézanne et moi et pas Zola et moi?

J’ai eu un mal fou à trouver un titre qui ne fasse pas trop documentaire. Celui-là me semble induire une certaine intimité, qui est le sujet central du film.Et il me paraissait logique que l’histoire soit plutôt racontée du point de vue de l’écrivain.Je n’avais d’affinités particulières avec l’un ni l’autre, mais je pouvais certainement me sentir plus proche de celui qui écrit.L’angoisse de la page blanche, je connais…
L’amitié confrontée à la célébrité, c’est quelque chose que vous avez connu aussi?
Oui, sans doute.Moins que ces deux-là qui sont quand même des monuments, mais forcément un peu.Pendant le tournage, je pensais beaucoup à une amie d’enfance que j’avais perdue de vue quand je suis partie vivre aux États-Unis.A mon retour, j’avais cherché à la revoir, mais elle était fuyante.Je n’ai pas compris pourquoi sur le coup. En faisant le film, je me suis promis de la recontacter.Hélas, à la fin du tournage j’ai reçu un petit mot d’une amie commune qui m’annonçait son décès accidentel…