François Cluzet est le Médecin de campagne du nouveau film de Thomas Lilti (Hippocrate). Un solitaire, 100 % dévoué à son métier, qui se croit irremplaçable mais qui va pourtant devoir accepter de se faire seconder par une débutante (Marianne Denicourt), le temps de soigner une maladie qu’il cache à tout le monde. Un rôle qui va comme un gant chirurgical à François Cluzet et dans lequel l’acteur d’Intouchables s’est investi comme il le fait à chaque fois. Y compris au moment de donner des interviews pour en promouvoir la sortie. C’est avec la même générosité et la même franchise qu’il a répondu à nos questions…

Ca vous a plus de jouer au docteur?
C’est vrai que je m’y suis cru. J’ai fait ce métier parce que j’aurai voulu être tellement de choses : pilote, avocat, médecin… Quand j’ai débuté et que je ne trouvais pas de travail, je me disais que je ferai une formation d’infirmier.J’étais trop médiocre à l’école et j’avais arrêté les études trop tôt pour être médecin, mais c’est un métier qui m’aurait plu.J’avais toujours l’idée de faire quelque chose d’utile.

Parce qu’acteur ce n’est pas un métier utile?
Si, d’une certaine façon, mais pas autant que médecin.Nous, on divertit, on ne soigne pas.Le mec qui a un gros pépin, on va le lui faire oublier pendant deux heures, mais à la sortie le problème existera toujours.


Qu’est ce qui est le plus difficile à jouer : le médecin ou le malade?
Je n’aime pas tellement le terme de «jeu ».Comme disait Guitry on est tous des comédiens sauf quelques acteurs.Moi, j’essaie plutôt de donner de la vie.Pour incarner il faut y croire.Interpréter un handicapé dans Intouchables, c’était facile : c’est Omar qui jouait pour nous deux.J’ai accepté le rôle en connaissance de cause et parce que j’avais la maturité suffisante pour faire un choix d’abnégation. Je l’ai d’ailleurs dit tout de suite à Omar : « Tu vas jouer pour nous deux, mais je vais te donner tout ce que je pourrai ».J’ai été récompensé par l’immense succès du film et aussi par le fait que les gens se souviennent autant de mon personnage que de celui d’Omar. Pour ce rôle de médecin, c’était plus compliqué.Il fallait lui donner quelques aspérités pour qu’il soit intéressant.Les héros ont tous leurs petits défauts.


Son défaut à lui est de se croire indispensable.Ca a pu vous arriver?
Non, car j’ai connu le succès sur le tard.Avant, j’étais souvent le second ou le troisième choix des réalisateurs et des producteurs. C’est Guillaume Canet qui a changé ça, en me confiant le rôle principal de Ne le dis à personne. Il a fallu qu’il se batte contre tout le monde pour m’imposer.Ca a été un succès, il m’a repris pour Les Petits mouchoirs et ça a été un succès encore plus grand.Intouchables est arrivé comme la cerise sur le gâteau.Depuis, je suis souvent le premier choix des réalisateurs, mais surtout des producteurs. Ca ne signifie pas pour autant que je me crois indispensable à un film. J’en refuse d’ailleurs autant dont je suis persuadé qu’ils vont faire des entrées que d’autres auxquels je ne crois pas du tout. J’ai toujours voulu être célèbre, mais je me suis toujours posé la question de savoir quel homme il y avait derrière la star.

Le film pose la question de la transmission. Êtes-vous dans cet esprit?
J’aimerais bien.J’ai même essayé, mais je suis un très mauvais pédagogue. Je suis trop impatient, je ne comprends pas qu’on ne comprenne pas.Alors je deviens très mauvais. Mais je crois au collectif, à la solidarité, au vivre ensemble.On nous a trop bourré le mou avec l’individualisme et l’esprit de compétition.Une société civilisée ne fonctionne qu’avec de la solidarité et de l’entraide.