Chaussures de marche ? Check. Bermuda? Check. Bob Kodak (collector) ? Check. Bouteille d'eau 1.5 l ? Check. Brumisateur? Check. Lingettes parfumées ? Check. Appareil photo ? Check. Prêts pour le marathon annuel des Rencontres d'Arles ! De juillet à septembre, la cité gitane se transforme en capitale mondiale de la photographie. Soixante (60 !) expositions disséminées à travers la ville, de l'église Ste Anne aux Ateliers SNCF. Des centaines et des centaines de photos à regarder... Et à faire ! A Arles, en été, tout le monde se prend pour Cartier Bresson. On se photographie entrain de regarder des photographies. C'est peut-être le seul endroit au monde où il est difficile de différencier les touristes japonais des autres. Il y a 50 stages pour se perfectionner dans cet art particulier. C'est dans ce paradis du boitier numérique que Thom Yorke , le très discret chanteur de Radiohead, a choisi de se cacher avant son concert du soir aux arènes de Nîmes. On le surprend à l'heure de l'apéritif, les yeux encore gonflés de sommeil, à la terrasse de l'Hotel Nord Pinus contemplant effaré la place, envahie par une armée d'apprentis paparazzis. Heureusement, personne ne le reconnait derrière ses lunettes noires et l'écran de son Mac Book, sur lequel il révise consciencieusement la setlist du concert. Et clic, première photo de la journée. Un scoop, déjà: l'édition s'annonce prometteuse !

Pourtant, les professionnels de la profession font la fine bouche. Cette année François Hébel, le charismatique directeur des Rencontres, a choisi d'en confier les clés à l'ENSP, l'école nationale supérieure de la photographie d'Arles. Plusieurs expositions sont consacrées aux meilleurs travaux d'élèves. Noble intention. Mais du coup , évidemment, ça manque un peu de grands noms et on s'inquiète: le visiteur ne risque-t-il pas d'être un peu déçu? De bouder les Rencontres? Ca n'en prend pas le chemin. Malgré la fournaise (Arles est aussi la capitale du mercure), on croise du monde partout et personne n'a l'air de considérer que les expos sont moins intéressantes que celles des années précédentes.

A tous seigneurs tous honneurs, on commence par les deux seules stars de l'édition: Sophie Calle et Josef Koudelka. La première est invitée par l'association du Méjan et, comme à son habitude, a trouvé un concept génial pour son expo: la dernière image. Des aveugles, dont elle tire le portrait, se souviennent de la dernière chose qu'ils ont vue avant de basculer dans le noir: la photographe reconstitue l'image à coté du portrait. Dans une deuxième salle, plongée dans le noir, sur des écrans se faisant face, sont projetées des vidéos des mêmes personnes, les pieds dans l'eau au bord de la mer, semblant se faire face et se regarder sans se voir. Troublant.

A l'église Sainte Anne sont exposées les fameuses photos de gitans réalisées par le photographe Tchèque Josef Koudelka dans les années 60-70. Ces premiers travaux avaient fait l'objet d'un beau livre, édité en France par Delpire et depuis longtemps épuisé. Il a été réédité l'an dernier dans une version augmentée et ce sont ces photos que présente l'expo. Des gitans en Arles, c'était sans doute une évidence, mais il faut reconnaître que l'extraordinaire qualité de ces images en noir et blanc fait de l'ombre aux autres expositions, surtout lorsqu'il s'agit de portraits. Ou alors , il faut qu'ils accompagnent une histoire ou d'un concept particuliers. Comme celle des femmes violées du Rwanda que le Sud Africain Jonathan Torgovnik est allé photographier avec les enfants nés de ces viols et auxquelles il a demandé de parler du lien qui les unissaient. Son exposition, particulièrement poignante, est présentée aux Ateliers SNCF et a reçu le Prix Découverte des Rencontres. C'est, avec celle de Koudelka, la plus forte de l'édition.

Mais au hasard de la promenade aux Ateliers les coups de coeur ne manquent pas. C'est le cas pour les portraits (encore!) d'Aurore Valade, qui a photographié les occupants d'appartements Turinois dans leur univers intime, chargé d'objets, en semant dans l'image des pistes (journaux, livres, brochures publicitaires...) pour en deviner le titre. On s'amuse beaucoup à les rechercher. Toujours aux Ateliers, Olivier Metzger a fait une série de portraits (décidément) d'une diva vieillissante dont on aperçoit la photo jeune à Nice dans un cadre. On la croirait sortie d'un film de David Lynch. Ne pas manquer au passage , La politique est un théâtre, le diaporama de Sebastien Calvet qui a suivi François Hollande pendant toute sa campagne pour les présidentielles. On ne sait ce qu'on admire le plus des photos ou du montage sonore réalisé par Caroline Cartier. Enfin, les paysages cotonneux en noir et blanc panoramique du Finlandais Pentti Sammallahti,, aux confins des Ateliers, sont une source d'émerveillement toujours renouvelée. Il permettent , en outre, de terminer la visite sur une note rafraichissante avant de retrouver la fournaise du parking et de l'autoroute. Un petit cru, Arles 2012? N'en croyez rien.



Rencontres d'Arles photographie du 2 juillet au 23 septembre. Pass journée 27 (gratuit pour les moins de 18 ans) . Renseignements www.rencontres-arles.com ou par téléphone 04.90.96.76.06