Une suite de palace parisien.Drôle d’endroit pour une rencontre ? Pas
tout à fait puisqu’il s’agit, en l’occurrence, de parler à Sofia Coppola,
dont les films ont une curieuse tendance à
se lover dans l’univers feutré des grands hôtels. Après Bill Murray perdu au Park Hyatt de
Tokyo dans Lost in translation, la fille de Francis Ford Coppola filme l’errance de Stephen Dorff
au Château Marmont, mythique hôtel de Los Angeles, qui fut et
continue à être le dernier refuge des stars à la dérive. Son
héros, Johnny Marco, est un acteur célèbre et adulé que son récent
divorce a plongé en pleine crise existentielle. Il traine son ennui et
son mal être en Ferrari noire dans un Los Angeles désert et écrasé de
soleil. Seule sa fille de 11 ans , Cloe (Elle Fanning), qui vient lui
rendre visite pour les vacances, semble être capable de le sauver de ses
démons. Mais y parviendra-t-elle ? De cette histoire au fil plus que ténu, Sofia
Coppola tire un film intimiste et auteuriste, qui risque de dérouter le
public conquis par les fastes sucrés de Marie Antoinette, mais
ramènera surement à elle les cinéphiles qui avaient adoré Virgin Suicides.
Récompensée à Venise d’un Lion d’or mérité mais entaché de soupçon de
copinage (C’est son ex Quentin Tarantino qui le lui a remis), Sofia
Coppola, menue et timide comme un moineau tombé de la branche, en parle
avec la douceur et l’élégance qui caractérisent ce qu’il faut bien, déjà,
appeler son œuvre…



Comment vous est venue l’idée du scénario de Somewhere?
Après le tournage de Marie Antoinette, j’ai continué à habiter Paris et j’ai fini par avoir le mal du pays. L’idée m’est alors venue de raconter l’histoire d’un acteur déconnecté de la réalité.

Pourquoi avoir choisi le cadre particulier du Château Marmont?
C’est vrai qu’il y a beaucoup d’hôtels dans mes films.Versailles, quand on y pense, était aussi une sorte de palace. Le Château Marmont est un hôtel légendaire de Los Angeles. Tous les acteurs d’Hollywood y ont vécu à un moment où à un autre et ils ont toujours une anecdote à raconter à ce sujet.J’ai, moi-même, été logée pour la promotion d’un film dans la chambre 59, qui est celle de Johnny Marco dans le film. Quand j’ai commencé à écrire l’histoire de ce jeune acteur très célèbre, récemment divorcé et complètement largué, c’était évident qu’il ne pouvait vivre que là.

N’y avait-il pas un risque de facilité ou de redite à raconter encore une histoire d’acteur paumé dans une chambre d’hôtel, après Lost in Translation?
J’écris sur ce que je connais et j’essaie de faire des films personnels.Je ne vois pas de facilité, ni de paresse dans cette démarche.

Stefen Dorff était-il votre premier choix pour le personnage de Johnny Marco?
C’est à lui que j’ai pensé en écrivant le scénario.On m’a ensuite proposé d’autres acteurs plus connus, mais je suis restée sur ma première idée.

Et Elle Fanning, qui joue sa fille?
C’est Fred Roos, le producteur exécutif du film , qui l’avait repérée dans L’Etrange Histoire de Benjamin Button.J’avais peur que ce soit une espèce d’enfant-actrice hollywoodienne super pro, alors que je cherchais, au contraire, une fille naturelle qui contraste avec le milieu du show-biz dans lequel évolue son père.J’ai vu beaucoup d’autres filles pendant le casting, mais je finissais toujours par les comparer à Elle.Elle sort vraiment du lot, elle a l’étincelle...

Son personnage vous ressemble-t-il?
Pas tant que ça en fait.On a toutes les deux des pères célèbres, mais je me retrouve tout autant dans Johnny Marco.En fait, pour Cléo, je me suis inspirée d’ados de mon entourage qui ont des parents dans le show-biz.

Pourquoi cette fascination pour les personnages de jeunes filles?
Je vous l’ai dit: j’écris sur ce que je connais.Mais c’est vrai que quand j’étais plus jeune, il n’y avait pas tellement de personnages féminins auxquels je pouvais m’identifier au cinéma. Peut-être qu’inconsciemment j’ai voulu donner aux filles d’aujourd’hui des modèles auxquels se rattacher?

Vous intéressiez-vous déjà au cinéma à l’âge de Cleo?
Non, à son âge je passais mon temps à lire des magazines de mode et à téléphoner à mes copines (rires). J’ai commencé à faire des vidéos beaucoup plus tard.

L’univers californien et le ton minimaliste du film font penser aux romans de Bret Easton Ellis , Less Than Zero et Imperial Bedrooms.Etait-ce une source d’inspiration à l’écriture du scénario?

Non.J’ai lu Less Than Zero bien sûr, mais pas Imperial Bedrooms. La scène de parano, dans laquelle Johnny se croit suivi par une voiture est typique des délires des stars d’Hollywood.Ce n’est pas un clin d’œil à Imperial Bedrooms. Le livre n’était d’ailleurs pas sorti quand j’ai écrit Somewhere.

La fin du film est assez ouverte.Que va devenir Johnny Marco?

Pour moi, la fin du film marque le début d’une nouvelle vie pour lui. J’ai une idée assez précise de ce qu’il va faire, mais je préfère laisser le soin au public de se l’imaginer.