Seize heures sonnent au clocher de l'église et il est temps, pour Annick, de boire son petit café. Dans son appartement de banlieue, elle est là, assise, souvent pendant des heures, derrière sa fenêtre, à regarder les gens marcher et courir dans la rue.

Elle se sent si seule et si étrangère à ces mouvements et pourtant, elle voudrait tellement être comme eux ... Oui, elle voudrait avoir des projets, des rendez-vous, des loisirs, de petites vacances pour quitter son quotidien, et même des enfants pour pouvoir remplir sa vie ... Elle aurait tant voulu. C'était hier, avant son accident de voiture.

Annick n'a pas eu souvent le sourire dans la vie. Elle a vécu dans l'ombre de parents stricts qui lui avaient fait comprendre que le bonheur se méritait, justifiant alors pour elle les punitions et ses pleurs comme autant d'occasions nécessaires pour s'affirmer et profiter demain de la vie.

Rassemblant ses forces, Annick déplace sa chaise roulante vers la cuisine pour prendre en main son calendrier. Lundi, c'est bien ça, dans deux jours, Annick verra ses deux adorables nièces pour Pâques.

Le ciel est gris dehors et la pluie se met à taper contre les carreaux mais qu'importe le temps et la météo, elle sait que lundi sera pour elle comme une éclarcie dans sa vie, une belle journée de retrouvailles dans son petit appartement de banlieue. Oui, ce jour-là sera, pour Tata Annick, un moment de bonheur simple où vont pouvoir raisonner les rires des enfants et la joie d'être enfin ensemble autour d'un bon
repas familial ... Je voudrais bien le croire ! ... Alors, vivement lundi !

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