Ulysse et ses compagnons débarquent sur l’île des cyclopes des géants qui n’ont qu’un œil au milieu du front. Ils s’abritent dans une grotte quand arrive le cyclope Polyphème. Ulysse raconte...
«Il nous aperçut et nous interrogeant, ils nous dit :
« - Etrangers, qui êtes-vous ?»
Sa voix terrible nous glaça d’effroi. Cependant je lui répondis :
« - Nous sommes des Grecs revenant de Troie; des vents contraires nous ont éloignés de notre patrie, sans doute par la volonté de Zeus.»
Sans me répondre, il jeta les mains sur mes compagnons, en choisit deux et les frappa contre terre ; leur cervelle s’écrasa sur le sol. Il les dévora, ne laissant ni entrailles, ni chair, ni os. A ce spectacle horrible, nous élevâmes nos mains vers Zeus en pleurant.»
Le lendemain matin, le cyclope sort de la grotte en la renfermant. Durant la journée, Ulysse et ses compagnons taillent en pointe une grosse branche d’olivier.

Vers le soir, le monstre cruel revint et fit
entrer ses gras troupeaux dans la caverne qu’il ferma avec soin.
Il se mit à traire ses chèvres bêlantes puis saisissant encore deux de mes compagnons, il en fît son repas du soir. Alors, je m’approchais du géant avec une coupe de vin et je lui dis
" - Cyclope, bois ce vin que notre vaisseau portait.»
Il prit la coupe et but. Trouvant ce breuvage délicieux, il m’en redemanda :
« - Donne m’en encore, et dis-moi ton nom que je te fasse un présent qui te réjouisse. »
Je lui versais encore du vin. Trois fois il vida sa coupe, et quand le vin eut obscurcit son esprit, je lui dis ces paroles caressantes :
«Cyclope, mon père et ma mère m’appellent Personne. Indique-moi maintenant le présent que tu m’as promis.»
Il me répondit aussitôt :
« - Je te mangerai le dernier ; ce sera là mon présent.»
Il dit, et l’ivresse qui dompte les sens s’empara de lui. Alors, encourageant mes compagnons, nous enfonçâmes le pieu aiguisé dans l’œil du cyclope. Et moi, je le faisais tourner. Le sang ruisselait. Le cyclope
poussa un gémissement terrible. Ecumant de rage, il arracha de son œil le pieu souillé de sang et le rejeta au loin. A ses cris, les cyclopes voisins accoururent et lui demandèrent la cause de sa douleur :
« - Polyphème, pourquoi ces cris de détresse qui troublent notre sommeil ? Un mortel t’enlève-t-il malgré toi tes troupeaux où crains-tu qu’on ne te tue par ruse ou par force ? »
Du fond de la caverne Polyphème répondit :
« - Ô amis ! Par la ruse et non la force ! Et qui me tue ? Personne. »
Les cyclopes lui répondirent :
« - Si personne ne te tue, c’est une maladie. Adresse donc tes prières à Poséidon, ton père.»
Disant ainsi, ils s’éloignèrent et je riais en mon cœur de voir comment ma ruse habile les avait trompés.»

Ulysse et ses compagnons parviennent ensuite à sortir de la grotte en s’attachant sous le ventre des moutons, et s’enfuient.