Les limites de mon langage
signifient les limites de mon propre monde.

Ludwig Wittgenstein (1889-1951)



Philosopher revient à reconnaître (au terme d’un processus) la nécessité du silence compris comme l’envers du langage qui, ayant fait le deuil de la représentation, est dorénavant habité par la pure présence.

Sans doute atteignons-nous là une limite, fascinante, une frontière car, « Si dans la vie nous sommes environnés par la mort, pareillement, dans la santé de l’entendement, nous sommes environnés par la folie » (Remarques mêlées, p. 56) ; il s’en faut de peu que la démence nous envahisse sans retour, tant est presque intenable le haut degré d’exigence…

Si le silence qui nous habite n’ouvre que sur la contemplation, sur la possibilité « d’atteindre à la profondeur » que l’on peut « trouver dans son environnement le plus proche et le plus habituel » (ibid, p. 62), « Il est impossible d’écrire sur soi-même quelque chose de plus vrai que ce que l’on est.

C’est là la différence entre écrire sur soi-même et sur des objets extérieurs. On écrit sur soi à la hauteur où l’on est. Et l’on n’y est pas monté sur des échasses ou sur une échelle, mais simplement debout sur ses pieds » (ibid, p. 45, c’est moi qui souligne, à la suite de B. Chauvité d’ailleurs…) ; « Le travail en philosophie (…) est avant tout un travail sur soi-même.

C’est travailler à une conception propre. A la façon dont on voit les choses (et à ce qu’on attend d’elle) » (ibid, p. 26).

Ainsi, « la pensée qui s’efforce vers la lumière » (ibid, p. 60) travaille à sa clarté, cela est « propre », « décent » (le mot revient de façon récurrente), elle travaille pour faire se lever le jour qui point en elle ; « Je pense avec ma plume. Car ma tête bien souvent ne sait rien de ce que ma main écrit » (ibid, p. 27) : cette franchise, cette instance là sont, reconnaissons-le, d’une tout autre nature que celle des spontanéités de circonstance, bien que toujours indissolublement liées à la vie.

Et a fortiori quand elle passe par une lettre… dans un rapport où l’écrit, la réponse, renvoie au vivant. Non sans vagues.