. Comme un saumon remonte aux fleuves impossibles
jusqu’à boire enfin le cristal de son ruisseau natal
mon souffle et mon corps ne respirent en connivence
qu’à l’instant où ils reconnaissent l’air de ma Provence
fleurant le maquis pins lavande thym lentisque immortelle
mêlés d’oxygène iodé quand le vent a retroussé la mer

. Un air où dans le jour quelque nuée déformante dérive
comme un rêve d’infini captif d’un vol de tourterelles
pressées d’échapper au compte à rebours des cigales
Un air au fond duquel s’étend l’horizon bleu des origines
en suspens au-dessus des troupeaux d’oliviers qui s’éloignent
vers où rampe sur les monts la limace d’or du couchant

. Ici seulement le langage est enfant naturel de la lumière
Ici se sont gravés des siècles d’aphorismes dans la pierre
que le soleil chaque matin restaure au fronton des maisons
avant de retourner lire les noms de nos aïeux au cimetière
avec les ombres qu’il épelle par la voix flûtée des hirondelles
Et seulement ici au champ de la pensée a fleuri la Raison !

Xavier BORDES