LES MAINS D'ELSA

Donne-moi tes mains pour l’inquiétude
Donne-moi tes mains dont j’ai tant rêvé
Dont j’ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé

Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d’émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes mains à moi

Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli

Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet des sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d’inconnu

Donne-moi tes mains que mon coeur s’y forme
S’y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement

Louis ARAGON


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TES MAINS

Lorsque tes mains s'envolent,
mon amour, vers les miennes,
que m'appporte leur vol ?
Pourquoi s'être arrétées
brusquement sur ma bouche,
se faisant si familières
comme si lors, avant,
je les avais touchées,
comme si avant d'être
elles avaient couru
sur mon front, sur ma taille ?

Leur douceur s'avançait
en volant sur le temps,
sur la mer, sur la fumée,
sur le printemps aussi,
et quand tu as posé
tes mains sur ma poitrine,
j'ai reconnu ces ailes
de colombe dorée,
reconnu cette argile,
cette couleur de blé.

J'ai passé mes années
à marcher, les quêtant.
J'ai franchi les récifs,
gravi les escaliers,
les trains m'ont emmenés,
les eaux m'ont ramené,
dans la peau du raisin
je croyais te palper.
Le bois m'a apporté
un beau jour ton contact,
l'amande m'annonçait
ta secrète douceur,
lorsque sur ma poitrine
tes mains se sont fermées
et là comme deux ailes
ont fini leur voyage.


Pablo NERUDA