Pendant mon séjour au paradis (wow, il y a 10 ans déjà...), j'avais du temps libre mais peu d'argent. J'avais donc des occupations saines : lecture, plongée/natation, vélo, etc... J'étais jeune, j'étais svelte, j'étais bronzé et beau comme une R12 (je voulais dire comme un Tom Cruise) dans mon uniforme tout blanc. Bon, entre nous, ça servait à rien, j'avais absolument pas la tête à ça.

Je vous rassure, je ne vais pas vous raconter toute ma vie (en plus, ça commence à dater), juste partager une petit quelque chose que j'ai gardé en mémoire.

Il n'y a qu'une seule plage de sable blanc à Tahiti et elle est pas vraiment à côté de Papeete (les belles plages de carte postale sont sur les autres îles). Et même si elle avait été en ville, on n'aurait pas pu s'y baigner (imaginez si vous vous baignez dans le port du Havre...). En revanche, accessible en vélo (même par moi, c'est dire que c'est proche) mais suffisamment loin pour être propre, il y a une grande plage (publique) de sable noir, à Mahina.

Vue de Tahiti depuis la plage de Mahina

Elle se situe au niveau de la baie de Matavaï, à la pointe Vénus. C'est l'endroit où sont arrivés les premiers missionnaires européens, et c'est là qu'il y a le seul phare du coin. Ca c'est pour l'anecdote.

C'est une plage familiale, bon enfant, bien loin des plages privées idylliques mais aseptisées des grands hôtels sur les autres îles.

Mais ce n'est pas de mes séances bronzette que je veux vous parler. La baie de Matavaï a une particularité : elle est belle certes mais surtout, c'est un endroit où viennent se reposer et s'abriter les dauphins pendant la nuit.

A droite, la baie de Matavaï et au milieu la pointe Vénus

Là où je travaillais, ils organisaient des sorties pour aller voir les dauphins le matin, avant qu'ils ne repartent vers l'océan. Et donc je pouvais y aller quand je voulais (à l'oeil et sans autre passager). Je garde le souvenir de ces matins de WE où je me levais tôt, où je prenais mon vélo pour aller à la base nautique. Le souvenir de ces trajets en bateau dans le lagon avec le jour qui finissait à peine de se lever. Et puis surtout l'arrivée dans cette baie. Les grands falaises au fond avec tout au bout la pointe Vénus et son sable noir.

On cherchait les dauphins du regard, on approchait doucement. Juste pour venir leur dire bonjour au réveil, en essayant de les déranger au minimum. On les voyait se reposer ou faire des courses de vitesse et des sauts, juste pour nous rappeler que l'eau était leur domaine, et combien notre bateau était lent et vulgaire.

Souvent, certains se rapprochaient quand même de notre petite coque et nageaient autour et devant elle, dans la lame d'étrave. Couché sur le plat-bord, je tendais le bras pour les caresser. Mais ce n'était pas des dauphins de parc aquatique, ils acceptaient notre présence sans jamais se laisser toucher. Il y avait toujours quelques centimètres qui manquaient. Quelques centimètres qui marquaient le monde qui nous séparait.

On se mettait parfois à l'eau avec notre tuba et on pouvait voir leurs silhouettes fuselées qui fendaient l'eau. Je me souviens comme je me trouvais pataud, et comme je les trouvais beaux. Ils passaient autour de nous et en dessous, ils jouaient, fonçaient, sans trop s'approcher. Nous étions tolérés. Et puis, lorsque le soleil montait un peu plus haut, le clan se rassemblait et partait vers la haute mer.

Ce pays, et particulièrement ses habitants aquatiques m'ont apaisé. Peut-être même que ce sont eux qui m'ont offert de continuer. Alors j'ai tenu à en garder le souvenir sur ma peau, juste pour être sûr de ne jamais oublier. Et puis j'ai tenu à vous en parler, juste pour se rappeler qu'il y a des lieux et des êtres vivants magnifiques autour de nous.

Si vous avez un jour l'occasion d'aller là-bas, refusez les rencontres organisées et tarifées avec un dauphin apprivoisé dans quelques mètres d'eau et allez saluer pour moi les dauphins libres de Matavaï à leur réveil.




NB : les photos ne sont pas de moi, mais ont toutes été prises à Matavaï.