Ce mardi 26 juillet 2022 marque le 135e anniversaire de la création de l'espéranto, la langue de la paix.

Son créateur, Louis Lazare Zamenhof, était un médecin de Białystok, une ville qui alors faisait partie de l'Empire russe mais qui aujourd'hui se situe en Pologne.
À l'époque, Białystok était une ville multiethnique composée d'un grand nombre de Russes, de Polonais, d'Allemands et aussi de Juifs parlant le yiddish. Chaque communauté parlait une langue différente et les relations entre chacune d'entre elles étaient tendues.

Ayant grandi dans cet environnement, Zamenhof a consacré sa vie* à la conception d'une langue qui, espérait-il, pourrait promouvoir la paix entre les peuples. L'objectif n'était pas de remplacer la langue maternelle de chacun. L'espéranto devait plutôt servir de langue seconde universelle pour faciliter la communication interculturelle.
* ndt : en fait il ne s'agit pas de sa vie mais de sa prime jeunesse, puisque la langue paraît alors qu'il vient d'avoir 27 ans. Et qu'il décèdera en 1917, à l'âge de 58 ans.

Pour ses efforts, Zamenhof a reçu 14 nominations au prix Nobel de la paix.

Après sa mort, l'Association universelle d'espéranto a poursuivi son œuvre. Basée aux Pays-Bas, cette organisation compte des membres dans 120 pays et a reçu plus de 100 nominations au prix Nobel de la paix en reconnaissance de sa « contribution à la paix mondiale en permettant à des personnes de différents pays d'entrer en relation directe sans barrière linguistique ».

En 1954, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), qui « cherche à construire la paix par la coopération internationale », a adopté une résolution reconnaissant « les résultats atteints par l'espéranto dans le domaine des relations intellectuelles internationales et du rapprochement des peuples du monde ».

En 1985, l'UNESCO a adopté une autre résolution pour réaffirmer « le grand potentiel de l'espéranto pour la compréhension internationale et la communication entre les peuples de différentes nationalités ».

Au fil des ans, l'espéranto a été associé à un large éventail de personnes de divers horizons.

Parmi les partisans de l'espéranto, on trouve des partisans de la paix, comme Alfred Hermann Fried, co-lauréat du prix Nobel de la paix en 1911, et Lord Robert Cecil, lauréat du prix Nobel de la paix en 1937 ; des hommes politiques comme Willem Drees, ancien Premier ministre des Pays-Bas, ainsi que Franz Jonas et Heinz Fischer, tous deux anciens présidents de l'Autriche ; et des révolutionnaires communistes comme Ho Chi Minh, Mao Tsé-Toung et Josip Tito.

On trouve des espérantophones sur tous les continents, y compris en Antarctique. C'est l'une des 40 langues - et la seule langue construite - pour laquelle on peut passer un examen du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR). Pour apprendre l'espéranto, il existe de nombreuses ressources gratuites disponibles en ligne, notamment Duolingo, Lernu ! et Google Traduction**.
** ndt: Google Traduction est un logiciel de traduction en ligne qui a inclus l'espéranto il y a une bonne dizaine d'années, mais ce n'est en aucun cas un lieu d'apprentissage des langues. Il faut noter que Deep L n'a toujours pas ajouté cette langue à son actif, malgré un courriel que je leur ai envoyé il y a plus d'un an, auquel ils n' ont toujours pas répondu.... sauf de manière automatique en anglais ??!! Entre temps, ils sont passés de 23 à 28 langues. Peut-être qu'ils auraient besoin d'une deuxième dose ?EmojiEmoji

L'espéranto a également sa propre édition sur Wikipédia. Il y a actuellement plus d'articles écrits en espéranto que d'articles écrits en bulgare, croate, danois, estonien, grec, irlandais, letton, lituanien, slovaque et slovène - qui pourtant sont toutes des langues officielles de l'UE.

Une langue de paix ?

Aujourd'hui, 135 ans après que l'Europe de l'Est a donné au monde l'espéranto, une langue destinée à promouvoir la paix, l'Europe de l'Est se retrouve malheureusement déchirée par un conflit qui - ironiquement - a été au moins partiellement déclenché par la politique linguistique.

Les balles et les bombes sont souvent les seuls outils employés dans une bataille, mais seule la diplomatie peut mettre définitivement fin à une guerre - et la diplomatie nécessite une langue.

Lorsque la Russie et l'Ukraine finiront par s'asseoir pour négocier la paix, dans quelle langue le traité devra-t-il être rédigé ?

L'ukrainien ? Pourquoi la Russie accepterait-elle qu'un traité soit rédigé dans une langue qu'elle considère comme un simple dialecte du russe ?

Le russe ? Pour les Ukrainiens qui se battent pour préserver une communauté culturelle unique et distincte, une telle issue ressemblerait fort à une défaite.

Étant donné que l'UE soutient l'Ukraine, la Russie s'opposerait probablement aussi à ce qu'un traité soit rédigé dans l'une des 24 langues officielles de l'Union.

De même, compte tenu de la position de la Chine à l'égard de la Russie, l'Ukraine serait probablement opposée à un traité rédigé en chinois..

Le problème est que presque toutes les langues seraient biaisées d'une manière ou d'une autre.

L'espéranto, en revanche, n'est la langue nationale d'aucun pays. L'espéranto n'est ni pro-russe ni pro-ukrainien. Au contraire, l'espéranto est une langue internationale et neutre destinée à aider les gens à surmonter leurs divisions.

Radio Chine Internationale et Radio Vatican, notamment, émettent régulièrement en espéranto. La République populaire de Chine et le Saint-Siège ne sont pas d'accord sur grand-chose, mais ils croient tous deux à la neutralité et à l'internationalité de l'espéranto, ce qui en fait une langue idéale pour un traité de paix.

Étant donné que Poutine a lancé son « opération militaire spéciale » contre l'Ukraine afin prétendument de « démilitariser et dénazifier » le pays, il semble qu'il serait approprié que l'éventuel traité de paix soit rédigé dans une langue dédiée à la paix, qui a été créée par un Juif dont la famille a été tuée par les nazis.*
*** ndt: effectivement Adam, le fils aîné de Zamenhof fut arrêté dès l'entrée des Allemands en Pologne et fusillé au titre d'être espérantiste et ou juif. Précisons que dans Mein Kampf, Hitler parle de l'espéranto quand il aborde ce qu'il appelle la juiverie mondiale.

Joshua Holzer

Joshua Holzer est professeur adjoint de sciences politiques au Westminster College de Fulton, dans le Missouri. Il est un ancien analyste de l'armée américaine et a étudié le chinois au Defense Language Institute.

Les opinions exprimées dans cet article sont celle de l'auteur et n'engagent pas la rédaction.


Traduit de l'anglais par Deep L, puis relu et corrigé par Thierry Saladin