Non non, je ne suis pas morte ! Il fallait quand même que je vous fasse un petit signe pour vous le dire, presque deux mois après la rentrée, non ?! Mais, comme vous pouvez le supposer, j'ai eu tellement le nez dans le guidon que l'urgence était plutôt "je gère ma classe-je me lave-je mange" qu'autre chose ! Un peu comme à l'école du camion, d'ailleurs : quand le gros speed est là on retrouve vite les fondamentaux !
Me voici donc dans une charmante petite école rurale, perdue au milieu de rien (enfin de rien... de bien jolis paysages, quand même!). Je pense d'ailleurs très souvent aux Morallès sur la route, comme ce matin-là où le soleil embrasait le ciel et où j'ai sorti mon appareil par réflexe (bon, forcément c'est moins beau que les photos prises du camion, en hauteur, et quand je ne conduisais pas ! ) (et un peu plus périlleux, aussi ! ).


Parfois, sur la route, je croise d'ailleurs des camions, et l'autre jour j'ai ri toute seule en m'apercevant que je venais de me dire "Waouh, il est beau ce camion ! ". Cela m'a rappelé mon tout premier voyage avec les Morallès, où j'avais halluciné de les voir s'extasier sur tel ou tel camion, sur une aire d'autoroute où nous avions déjeuné... Ils m'ont donc contaminée, finalement !
Pas trop de dépaysement au niveau de l'organisation de la classe, car là aussi il faut jongler avec les niveaux : j'ai des CE1, CE2, CM1 et CM2 ! Il y a une autre classe dans notre mini-école : petite section, moyenne section, grande section et CP. Heureusement c'est ce collègue qui a la direction, car je crois que je serais morte d'épuisement s'il avait fallu gérer ça en plus ! Les effectifs, en revanche, restent assez confortables pour une classe multi-niveaux : mon collègue a 10 enfants (+2 qui arriveront en janvier), et moi j'en ai 14. Bon, forcément ça fait toujours trois fois plus que chez les Morallès, mais ça va encore, surtout au vu des effectifs du département (mes copains instits qui n'ont que deux niveaux, ils ont plutôt pas loin de 30 élèves!). Je suis assez contente d'être tombée sur ce poste, finalement, j'apprends des choses sur le multi-niveaux, c'est calme... Enfin... calme... je m'avance peut-être un peu ! Disons qu'en classe c'est calme quand ils travaillent, mais pour moi c'est assez speed car je passe mon temps à aller d'un groupe à l'autre. Et là où ce n'est pas du tout calme, en revanche, c'est au niveau de la préparation ! Là j'avoue, c'est parfois la brasse coulée et l'abattement quand j'y suis encore à 23 heures et que j'ai l'impression que je ne fais rien d'autre de ma vie !
J'ai d'ailleurs commencé début septembre à noter, chaque jour, le temps passé pour la classe. Temps de classe, évidemment, mais aussi préparation, photocopies, commandes de matériel, appels dans un centre spécialisé où est suivi un de mes élèves, rendez-vous avec les parents, réunions, déplacements dans des bibliothèques pédagogiques... J'avais envie de pouvoir clouer le bec au prochain qui me sortirait l'éternel "Oui enfin les instits avec vos 15 semaines de vacances par an...", avec des données chiffrées.

Pour le mois de septembre, donc, j'en arrive à une moyenne d'un peu plus de 54 heures par semaine. Vous allez me dire que je triche, que c'était un mois complet, que c'était la rentrée... En effet il se peut que ça descende un peu par la suite, mais pas tant que ça, à mon avis : jeudi dernier j'ai battu mon score en inscrivant "12h"... Pas mal en une seule journée, non ?!
Un soir de désespoir où je disais à Bruno que je me trouvais nulle, que j'avais l'impression d'être à nouveau débutante comme pendant ma première année d'enseignement, que je n'y arrivais pas, que j'étais fatiguée donc chiante et qu'il ne devait pas être si heureux que ça de me voir de retour chez nous... il m'a quand même dit "Ah non mais tu sais là ça va BEAUCOUP mieux que ta première année, hein. Tu ne te souviens pas mais tu ne faisais VRAIMENT que ça, même le week-end, et tu te couchais à une ou deux heures du matin tous les soirs". Bon... ça m'a un peu remonté le moral !
Effectivement il y a quand même des choses que je n'ai pas oubliées, et je trouve des "trucs" au fur et à mesure pour faire travailler différemment mes petits élèves et alléger un peu la charge de travail. Mais pour un certain nombre de choses, ça a été un peu brutal, comme retour à la réalité, en particulier pour tout ce qui concerne la paperasse...
Je n'ai toujours pas fait l'ensemble de mes programmations, par exemple (je sais, c'est MAL). Pour les non initiés, les programmations c'est prévoir ce qu'on va travailler et dans quel ordre, dans chaque matière (exemple : "sur la première période, en Grammaire, avec les CE2, on étudiera la phrase, la ponctuation et les types de phrases"). Alors forcément, quand on a quatre niveaux, c'est un peu LONG à faire ! En plus comme je suis inspectable cette année je me dois de faire les choses de façon assez carrée...
Il y a notamment eu une réunion au collège du coin, pour assurer la liaison CM2/sixième, où on a commencé à parler des projets d'école avec d'autres instits, des profs du collège et une dame que j'ai identifiée au bout de vingt bonnes minutes comme étant... mon inspectrice ! Et alors là... la déprime complète ! Je pense aussi que j'étais très fatiguée et donc pas du tout positive, mais parler de ces projets d'école qui sont un immonde tas de paperasse où on doit remplir des cases avec des axes, des actions, des indicateurs... Tout à coup j'ai bien remis les pieds sur terre, et je me suis dit "Mais elle est où, la VIE, là-dedans ?! C'est pas ça le métier que j'ai voulu faire, ce n'est pas trouver des indicateurs chiffrés pour vérifier que les actions mises en place pour chaque axe sont efficaces"... Je vous jure, il faudrait que je vous sorte les imprimés à remplir, pour que vous ayez une idée de l'ineptie de la chose... Heureusement entre temps Zorro est arrivé (sous le déguisement d'un nouveau gouvernement) et l'obligation de refaire un projet d'école a été ajournée, ouf ! Parce que mon collègue non plus, ça n'avait pas l'air de l'emballer ! Bon, évidemment c'était juste un moment de blues, et heureusement mon quotidien avec mes élèves n'est pas fait de ces cases à remplir, mais je dois dire que ça m'a mis un sacré coup, ce jour-là...
En réalité j'ai toujours su que le cirque était "dangereux" pour moi, dans le sens où ça vous coupe un peu du monde et d'une partie de la vie "réelle". Sensation pourtant trèèès agréable... mais peut-être un peu trop, surtout pour une fille comme moi vite blessée par la réalité du monde extérieur ! Du coup je sais pourquoi j'ai arrêté, sans regrets : sachant que je ne pouvais pas rester dans cette bulle toute ma vie, il fallait bien que j'aie le courage d'en ressortir à un moment !
Je sens néanmoins, au quotidien, que je suis sortie enrichie de ces trois ans, en particulier dans mon rapport aux enfants. Je crois que j'essaie de faire beaucoup plus attention à chacun, que je prends davantage en compte chaque personnalité, chaque vécu... Je crois que je suis devenue une meilleure maîtresse ! (même si j'ai encore un peu de boulot avant d'être vraiment satisfaite de moi!)
Pour continuer dans la série "Pourquoi c'était bien que j'arrête", il y a aussi... l'hygiène de vie ! J'ai déjà perdu presque 5 kilos sur les 7 ou 8 que j'avais pris en trois ans chez les Morallès, ouf ! Eh oui, le régime stress/bière/Curly/olives/chocolat, ça va un moment, mais quand en plus l'activité physique baisse c'est un mélange assez explosif ! Du coup, un régime alimentaire un peu plus équilibré et un supplément d'activité physique ne me font pas de mal !
Que de bons moments, pourtant, avec des petits souvenirs qui me tiennent compagnie devant mon ordinateur et qui m'accrochent l'oeil et le coeur régulièrement : voici deux des (fameuses!) tortues de Jean, et une photo de mes quatre petits mimis prise pendant la dernière tournée, alors qu'ils "lavaient" leurs bâtons dans une flaque d'eau bien boueuse ! Je l'adore !



Pour revenir du côté de ma nouvelle classe, je ne résiste pas à vous relater quelques anecdotes des petites choses qui, quels que soient les élèves, sont toujours très drôles.
Tout d'abord un premier travail en début d'année, sur la frise historique, pendant lequel je ne savais pas s'il fallait que je m'étrangle d'effarement ou de rire... J'ai ainsi appris que Christophe Colomb avait vécu à l'âge du cuivre, que la Révolution Française avait eu lieu vers 1 300, et que Louis XIV et l'Empire Romain étaient contemporains... au 19ème siècle !


Autre moment de franche rigolade : les fiches de présentation que j'ai fait remplir à mes élèves en tout début d'année pour apprendre à les connaître un peu. Il y avait des questions comme "A la maison, j'aime/je n'aime pas", "Le dernier livre que j'ai lu", "Le pays que je voudrais visiter", "Le métier que je voudrais faire plus tard"...
Voici donc un petit florilège de ce qui peut trotter dans la tête de nos chères têtes blondes :
Dans la série "Ne passons pas à côté des choses simples", il y avait : à la maison, j'aime... "mon lit", "caresser mes chiens", "jouer au tracteur", "faire des câlins"...
Dans les projets d'avenir, pour le métier rêvé, nous avons : "vétérinaire" (of course...), mais aussi "notaire", "archéologue sous-marin" (précis!), "éboueur", "ingénieur ou agriculteur", "chanteuse et peintre", et... "jeux olympiques" ! XD
Et pour finir, la fiche du fan de foot qui m'a fait éclater de rire un soir, toute seule chez moi (je vous laisse l'orthographe d'origine, ça fait partie du charme) :
A la maison, j'aime ... à vité des copain pour joué au foute.
A l'école, j'aime... joué au foute.
Pratiques-tu des activités sportives ou musicales ? Si oui, lesquelles ? ... du foute.
Un livre que tu n'oublieras jamais... livre de foute
Un film dont tu te souviens encore : aripotère (ah tiens ça nous change du foot!)
Quel métier aimerais-tu exercer plus tard ? ... fouboleur
Quel pays aimerais-tu visiter ?... (attention, roulements de tambours, le meilleur pour la fin)... Cristiano Ronaldo ! (qui, je l'ai appris plus tard, est un célèbre joueur de foot qui évolue actuellement au Real Madrid)

Allez, une petite dernière, toute fraîche puisqu'elle date d'aujourd'hui. Les CE2 étaient en train de faire un exercice où il fallait remplacer des pointillés par un verbe à l'infinitif. Exemple : Tu peux ... ton manteau, nous allons partir. --> Tu peux mettre ton manteau, nous allons partir.
Or donc, l'une des phrases était : "Ce pianiste aime ... des morceaux de Jean-Sébastien Bach." Et là, une de mes élèves vient se faire corriger et avait écrit "découper"... J'avoue que j'ai mis un certain temps à comprendre, mais j'ai cherché car elle n'est pas du genre à faire complètement n'importe quoi, je savais qu'il y avait un sens, même s'il ne s'imposait pas immédiatement. Et en effet, quand on y songe, "découper des morceaux" de Jean-Sébastien Bach, ça semble assez logique ! (même si ça ne doit pas être très agréable pour lui !)
Comme quoi, et c'est ça qui est chouette avec les enfants : quels qu'ils soient, d'où qu'ils viennent, ils n'ont pas fini de me faire rigoler !
J'arrête ici mon bavardage, qui reprendra peut-être plus tard si mes élèves m'en sortent encore des comme ça ! Et ne vous inquiétez pas, le cordon n'est pas totalement coupé avec les Morallès : après les avoir revus cet été à Avignon, puis aux Godeaux pour les trente ans de mariage de Bernard et Sylvie, je leur rendrai une petite visite fin octobre à Antony, histoire de reprendre un peu le pouls de toute la troupe !
Ah oui, tiens, pour finir : devinez un peu ce que j'ai trouvé au fond de la poche de mon manteau d'hiver, lorsque je l'ai ressorti la semaine dernière ?...

Vous me maudirez peut-être au prochain démontage, quand vous manquerez de colliers belges pour rouler les câbles et les tuyaux, mais désolée les Morallès, je crois que celui-là je vais le garder en souvenir ! xD