Encore quelques nouvelles de Marius aujourd'hui, car il faut quand même que je vous raconte la dernière aventure qui lui est arrivée. Nous étions en train de squatter la terrasse de Yann (histoire de changer), Marius crapahutait pas loin avec Luisa. Tout à coup il se met à crier. Nous regardons ce qui se passe : il hurle en regardant par terre. Luisa ramasse quelque chose et approche sa main de lui en lui montrant ce qui est dedans "Regarde, il ne faut pas avoir peur, c'est...", mais Marius hurle de plus belle, il a l'air terrorisé, nous crions donc à Luisa "Arrête, laisse-le, ça lui fait peur !". Marius arrive en courant comme si une horde de démons était à ses trousses, il se réfugie dans les bras d'Hélène en pleurant de plus belle. Luisa le suit et semble à mi-chemin entre l'incompréhension et le malaise. Elle nous regarde d'un air un peu coupable car nous lui avons crié d'arrêter tout de suite, mais en même temps elle tend la main en disant : "Mais c'était juste... une coccinelle..." Et effectivement, ce qui a créé une telle frayeur chez Marius était bel et bien... une coccinelle !

On ne l'avait jamais vu comme ça car d'une façon générale il n'est vraiment pas peureux, et là... Tout le monde finit par éclater de rire... Parfois ce n'est pas évident de comprendre un enfant d'un an et demi ! XD
Mardi soir a lieu la dernière représentation à Amiens, je me dis qu'avec un peu de chance je pourrai aller la voir (j'aimerais bien voir ce que ça donne dans le cirque en dur). Je délègue un peu la garde de Marius à Bruno pour terminer de préparer la classe. Au menu : Pingu (comme hier : 8 minutes, après il en a marre!), lecture de livres, petite promenade dehors et grandes discussions sur la lune ! Je ne sais pas ce que Bruno lui a raconté sur le sujet, mais ça a eu l'air de le passionner car il m'en parle sans s'arrêter en revenant !


Lorsqu'ils rentrent de leur petit tour du cirque, Marius est dans les bras de Bruno, les yeux dans le vague, et se met à bailler. Youpiii, je vais pouvoir aller voir le spectacle ! Je vais donc le coucher, et quand je reviens au camion j'entends que c'est encore l'accueil, à l'intérieur. Vite, je prends le babyphone (j'ai pu vérifier ce week-end que ça captait bien jusqu'à la salle de spectacle), et direction spectacle ! Pendant tout l'accueil ça se passe bien, je me suis mise à une place d'où je peux m'éclipser sans embêter tout le monde mais jusqu'ici je n'ai jamais eu à retourner voir Marius une fois qu'il était couché. Parfois il met un peu de temps à s'endormir, mais alors il joue tranquillement avec ses doudous. Je suis juste un peu embêtée parce que le babyphone a deux petites lumières et que je crains que ça ne dérange mes voisins, mais si je mets ma main pour les cacher ça capte mal. Allez, tant pis, profitons du spectacle ! Mais là... pile sur le premier numéro... un petit bruit suivi d'un gazouillement. Pas le genre de choses qui me ferait bondir habituellement... Je mets ma main sur le babyphone (quand il y a du bruit en plus ça allume des voyants lumineux)... et là... bip bip bip ! Grrrr... La mort dans l'âme, je ressors donc de la salle et je sais que je n'y retournerai pas (je déteste entrer et sortir pendant le spectacle, Hélène a eu beau m'expliquer que ce n'est pas gênant si je le fais discrètement et au bon moment, ça me bloque!). Je retourne donc au camion, je ne peux même pas travailler puisque j'ai bouclé ma journée de demain et qu'ensuite on repart. Bah, je vais travailler un peu les photos du blog, je n'y ai pas touché depuis notre arrivée (oui je sais, les lecteurs attendent, mais ils comprendront aisément que l'heure qui me reste le soir entre le boulot et le dodo, je préfère l'utiliser pour la sauvegarde de mon couple en tournée ! XD ) Je regrette un peu d'avoir du sortir pour rien, mais finalement un quart d'heure plus tard Marius se mettra à pleurer. Je suis très étonnée (ça n'est encore jamais arrivé!) et j'attends un peu mais ça ne passe pas : je l'entends gémir "Maman-maman-doudou-maman"... Je vais donc voir ce qui se passe : il est debout dans son lit et tend désespérément la main vers son doudou qui est tombé par terre. Eh oui, nous avons longtemps cru qu'il n'en choisirait pas un en particulier, tant qu'il y en avait dans son lit ça allait, mais il a finalement jeté son dévolu sur UN doudou, il y a quelques semaines. Je le lui redonne, un petit bisou, et hop, le temps de revenir au camion plus un bruit : il s'est endormi ! Ce soir nous ne traînerons pas trop longtemps non plus, tout le monde est un peu fatigué !
Mercredi c'est le démontage et le dernier jour d'école ; certains n'ayant pas bouclé leur programme (j'ai nommé : Hubert et Léon !) je les reprends un peu en début d'après-midi. Léon arrive en râlant et en disant que "mes copains ils n'ont pas classe aujourd'hui et EN PLUS je dois revenir l'après-midi, ça ne se fait pas". Oup oup oup... la maîtresse voit rouge. "Alors écoute-moi bien, Léon : ce qui ne se fait pas c'est que dans ton programme d'il y a deux jours j'avais écrit Lecture : si tu as le temps, et que tu t'es enfilé quatre chapitres dans la journée au lieu de faire le reste de ton travail. Du coup tu as pris du retard, et tu le rattrapes maintenant. TU es donc responsable du fait de revenir en classe un mercredi après-midi. En revanche, JE n'ai pas non plus spécialement envie d'être ici et pourtant j'y suis obligée parce que TU as décidé de lire au lieu de travailler. Alors à ta place je me ferais tout petit..." Message bien reçu, il mettra ensuite beaucoup de bonne volonté et nous bouclerons le programme restant en trois quarts d'heures et dans la joie ! XD
Le temps de ranger un peu et il est déjà presque 15h. J'avais prévu d'aller me promener mais une grosse flemme me prend... en plus Bruno n'a pas l'air enthousiasmé par mon programme et préfère rester au cirque... J'hésite. Oh et puis zut, on se remue, mademoiselle, hop ! Me voici donc en route pour...le cimetière de la Madeleine ! Un cimetière ?! Oui oui. Elles sont bizarres, ces maîtresses, parfois. Il s'avère qu'en cherchant des idées de sorties à faire à Amiens, j'ai vu que ce cimetière "romantique" (de l'époque romantique, hein, pas romantique dans le sens "dîner aux chandelles"!) était réputé pour sa beauté. Et puis... il faut bien que je vous le dise... j'aime bien les cimetières. Rien de morbide là-dedans, ni de religieux, juste j'aime ces lieux, le calme qui y règne, la réflexion et l'introspection que ça entraîne, le rappel des vanités de ce monde... Bon après je ne cours pas les cimetières non plus, mais lorsque j'ai l'occasion d'en visiter un particulièrement beau... et puis il y a le tombeau de Jules Verne, en plus ! (c'est un peu pour ça que je voulais y traîner Bruno, mais ça n'a pas eu l'air de le convaincre!)
Me voici donc partie. Je repasse par le centre ville, photographiant au passage un des "arbres libres" que je trouve si beaux dans cette ville !

A vrai dire je ne sais pas trop comment on y va, enfin pas dans les moindres détails... J'ai juste vu dans quelle direction c'était, et noté qu'il y avait quatre kilomètres du cirque jusqu'à là-bas. Aux deux tiers du chemin il y a un bus que je pourrai prendre, je garde cette option dans un coin de ma tête ! Je me trompe d'une rue mais rien de grave, j'en profite pour flâner un peu. Au bout d'un moment je commence à me demander si je vais arriver un jour jusqu'à l'arrêt de bus repéré, quand deux boîtes de médicaments ouvertes et vides attirent mon oeil, par terre : c'est du Subutex. Hmm... sympa le quartier ! XD
Je continue mon chemin et finis par trouver un arrêt de bus, qui m'emmène rapidement jusqu'au cimetière. Ce lieu est en effet magnifique : c'est grand, rempli de végétation et d'oiseaux. Il y a vraiment des endroits où on se croirait à la campagne.


Il faut savoir qu'au Moyen-Age et même un peu plus tard, les inhumations avaient lieu dans les villes et villages, autour de l'église. Mais au 18ème siècle la forte croissance démographique, associée à une évolution des mentalités qui amène les scientifiques à redouter une contamination des vivants par les morts, va entraîner l'ordonnance royale du 20 mars 1776. Celle-ci oblige les villes et les bourgs à transférer les cimetières hors de l'enceinte des habitations. Là je vous ai fait la version courte, mais si ça vous intéresse allez voir ici : www.19e.org/articles/cimetiere2.htm
C'est cette page que j'ai lue, elle est assez bien faite.
Donc, en ce qui concerne Amiens, c'est en 1785 que l'écrivain Duval lance l'idée de déplacer le cimetière Saint-Denis, jusqu'alors situé au centre de la ville. L'architecte Cheussey (à qui l'on doit notamment la belle bibliothèque que j'ai photographiée samedi dernier) et le jardinier municipal Fontaine concrétisent ce projet en 1817-1818. Ce site abritait auparavant une "maladrerie" nommée La Madeleine (j'ai cherché en rentrant ce qu'était une "maladrerie" : un refuge pour lépreux!).
La succession de coteaux et de vallons du site permet la réalisation d'un parc à l'anglaise, tout à fait dans le goût de l'époque (et entre nous, j'ai toujours préféré ça aux tristes jardins à la française!). Le parc est partagé en petites parcelles aux noms poétiques (plaine des alouettes, des mésanges, des ifs, des serins, des noisetiers, des pinsons...), séparées par des allées aux noms de fleurs (camélias, jasmins, passiflores, pâquerettes, aubépines, anémones et... oxalis des bois" ! Je ne les connaissais pas, celles-là ! )

Pour les petits curieux, voici à quoi ressemblent les "oxalis des bois" :

Mais arrêtons de bavasser, et suivez-moi pour une longue promenade (j'y resterai deux heures!) à la découverte de ce cimetière.
Ce qui m'a certainement le plus marquée est de voir à quel point la nature reprend ses droits, ici. J'ai vu qu'une association s'était montée pour restaurer et préserver ce lieu, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a du boulot ! Partout, on peut voir des caveaux dont la végétation monte à l'assaut, des croix recouvertes de lierre, des éléments mangés par la mousse, des arbres au beau milieu d'une tombe. On peut y voir quelque chose de triste ou de glauque : ce n'est pas mon cas, j'y trouve au contraire une certitude plutôt rassurante.


















Régulièrement, on peut observer des constructions écroulées, fendues, étayées. Et de nombreuses plaques indiquent que la concession, en état d'abandon, fait l'objet d'une procédure de reprise.











L'expression "Concession à perpétuité", gravée dans la pierre mais perdue dans la végétation, a quelque chose d'un orgueil un peu ridicule mais touchant.


Je rassemble aussi au gré de ma promenade une petite collection de croix et de Christs fort malmenés par le temps...







Mais je sens que j'ai un peu plombé l'ambiance, là... Sachez qu'il y a aussi des constructions debout et magnifiques à observer ! Je commence avec les caveaux munis de vitraux, qui malheureusement rendent beaucoup moins bien en photo que dans la réalité :



Certains monuments funéraires ont un petit côté "château", avec tours et murs crénelés.



D'autres d'inspiration byzantine :


Une autre, du début du 20ème siècle, a cédé à la mode du style "rocaille" (c'est l'imitation de rochers, pierres naturelles et bois, en ciment) :

Celle-ci me laissera perplexe (et c'est la tombe d'un architecte...) :

Il y a aussi le tombeau "blockhaus" :

Et toute une série de tombes "églises", avec même les gargouilles pour l'une d'entre elles !







N'oublions pas celle de Jules Verne :


Et encore d'autres images, en vrac :











On voit un peu partout des grandes sculptures figurant la douleur des (sur)vivants. Certaines sont un peu grandiloquentes, mais d'autres sont vraiment touchantes :







Et d'autres sculptures, représentant la personne enterrée là :











Sur une tombe, un drôle de système d'aération : son occupant craignait-il d'être enterré vivant ?...

Plus loin, le tombeau de Charles Follet ("dit raisonnable"), ancien jardinier, fondateur de la libre pensée, avec cette inscription gravée : "Les religions sont toutes menteuses, les sciences sont vraies"

La guerre n'est pas absente et se rappelle à nous régulièrement, avec ici un impressionnant alignement de croix noires pour les morts de la seconde guerre mondiale, là une petite plaque pour un soldat mort au front lors de la première guerre mondiale...




Plus loin, c'est à 1870 que fait référence la tombe d'un médecin et de sa femme, J-B et Victorine Autier, lui "Médecin des pauvres à Amiens" ("Il a passé en faisant le bien"), elle "victime de son dévouement".


Une sirène retentit ironiquement à ce moment-là : le cimetière va fermer. Je reviens vers l'entrée, en passant par une pelouse dont cet écriteau me fera sourire (lisez puis observez l'arrière-plan) :

Ce "champ de fleurs", sans trop de pierres tombales, est assez joli (je finis par supposer qu'il s'agit là des gens qui ont été incinérés).

On peut y remarquer que même dans la mort, la propriété privée semble bien ancrée, avec de drôles de petits grillages... Il ne faudrait pas que les voisins débordent...

Je ressors enfin, ravie par cette longue promenade. Le chemin de retour sera beaucoup plus rapide que l'aller : en observant le plan du bus je réalise qu'il fait un crochet par le centre-ville (j'avais mal compris leur plan disponible sur internet), et qu'il peut donc me déposer à... 200 mètres du cirque ! Après cette longue marche je ne résisterai pas !
En rentrant je vois un gros squat devant le camion :

Chacun s'occupe comme il peut, maintenant que tout est rangé et que nous sommes (presque!) prêts à repartir. Eh oui, demain, nous rentrons !