(…) J’écris : je parle avec toi, je me parle.
Avec des mots d’eau, de flammes, d’air et de terre, nous inventons le jardin des regards.
Miranda et Ferdinand se regardent, interminablement, se fixent dans les yeux,
- jusqu’à se pétrifier.
Une façon de mourir comme tant d’autres.
Là-haut, les constellations écrivent toujours les mêmes syllabes ;
nous, ici-bas, nous écrivons le nom de notre mort.
Si le couple est couple, c’est loin de l’Éden.
Nous sommes les expulsés du Jardin, nous sommes condamnés à l’inventer, à cultiver ses fleurs délirantes,
vivants joyaux que nous cueillons pour suspendre à un cou.
Nous sommes condamnés à quitter le Jardin : le monde est devant nous.

Octavio Paz