Il y a un proverbe qui dit à peu près ceci : " Tant que vous n'avez pas fait dix pas dans les chaussures d'un autre, vous ne pouvez pas véritablement comprendre ce qu'il vit ".

Je viens de lire un livre étonnant et saisissant par son contenu : " Dans la peau d'un Noir ", de John Griffin aux éditions Folio. Titre original : " Black like me ".

En voici le résumé : " Un Blanc, John Howard Griffin, hanté par le problème de la ségrégation raciale, décide d'aller au fond du problème en devenant lui-même un noir. Comment ? En 1959, ayant coupé les ponts avec sa famille ( 3 enfants ), et ses amis, il trouve un docteur de La Nouvelle-Orléans qui se plie, sans enthousiasme, à sa volonté. Un médicament utilisé habituellement contre certaines maladies de la peau, une lampe à rayons ultraviolets : voilà les instruments de cette extraordinaire métamorphose réalisée en cinq jours. Le Blanc, donc, entre dans la peau d'un Noir. Du 7 novembre au 14 décembre, il sillonne le Mississipi, l'Alabama, La Nouvelle-Orléans, empruntant tous les moyens de locomotion, dormant dans les taudis réservés aux Noirs, mangeant, vivant avec eux, comme eux, leur parlant d'égal à égal puisqu'il est Noir.     L'évolution de John Griffin le conduit, après bien des révoltes, à s'identifier à la condition de Noir. Lorsqu'il reprend son identité, c'est le même chemin qu'il lui faut parcourir à rebours. Il s'arrache avec peine à son personnage de Noir. Ce n'est pas un hasard si ses concitoyens de Mansfield ne le considèrent plus ni comme un Blanc, ni comme un Noir. Il n'appartient plus à aucun camp. Mais n'est-ce pas pour cela que les opprimés, eux, le considèrent comme l'un des leurs ? "

Quand nos enfants étaient plus jeunes, pour leur donner envie de lire un livre, nous ( surtout mon épouse ) leur lisions les vingt premières pages ( même système que pour amorcer une pompe ) ; après, ils avaient envie de continuer à le lire tout seul !     Je ne vais pas vous en copier vingt pages, ce serait fastidieux, mais seulement un extrait du début du livre ; après, à vous de lire, peut-être ?

P 23 : ... L'homme teint est intégralement un Noir, quoi qu'il ait pu être auparavant. J'étais un Noir de fraîche date qui devait franchir cette porte et vivre dans un univers qui m'était étranger. Je fus épouvanté par une métamorphose aussi complète. C'était différent de tout ce que j'avais imaginé. Je devins deux hommes, l'un qui observait et l'autre qui s'affolait, qui se sentait négroïde jusqu'au plus profond de ses entrailles. Je commencais à éprouver un sentiment de grande solitude, non parce que j'étais Noir, mais parce que l'homme que j'avais été, l'individu que j'avais connu était caché dans le corps d'un autre. Si je rentrais chez moi, ma femme et mes enfants ne me reconnaîtraient pas. Ils ouvriraient la porte et me dévisageraient avec stupéfaction. Mes enfants voudraient savoir qui était ce grand Noir chauve. Je savais que si j'abordais des amis ils ne sauraient pas qui j'étais. Je m'étais immiscé dans ce mystère de l'existence et j'avais perdu le sens de ma personnalité.Voilà ce qui me ravageait. Le Griffin que j'étais s'était volatilisé. Ce qu'il y avait de pire, c'est que je n'éprouvais aucune sympathie pour ce nouveau personnage. Son apparence me déplaisait. Peut-être était-ce seulement le choc d'une première réaction, pensai-je. Mais la transformation était accomplie et il n'y avait plus moyen de retourner en arrière. Pendant quelques semaines je devais être ce Noir chauve et vieillissant ; je devais circuler dan un univers hostile à ma peau, hostile à ma couleur ...