AMOUR, DEPENDANCE et LIBERTE
PARTENAIRES ET COUPLES

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par Samaï Fossat, psychosociologue, et Gérard Fossat, psychothérapeute et formateur

Créer une relation harmonieuse et enrichissante est certainement une des plus belles récompenses que la vie puisse nous offrir. Et pourtant en ce domaine, nombre d'entre nous oscillent entre frustration et colère ou renoncement. Vivre avec quelqu'un sans tension et sans heurts, c'est difficile. Rappelons-nous la citation de Sartre: "l'autre c'est l'enfer". A tel point que nombre d'entre nous ont choisi de rester seuls et donc libres, croyons-nous. C'est même une tendance nouvelle de notre société.

En effet, entrer en relation avec quelqu'un, c'est aussi faire face à nos propres démons intérieurs. Tout ce qui n'est pas résolu en nous va refaire surface très vite. Et plus la passion sera forte, plus vite elle nous amènera à confronter les facettes de notre personnalité qui peuvent être effrayantes ou douloureuses. Le plus souvent nous abandonnons la relation à la première crise grave en accusant l'autre..., faute d'avoir compris nos propres comportements.

De très riches relations sont ainsi prématurément interrompues pour des raisons triviales. Il ne nous manquerait en fait que quelques outils et quelques techniques simples pour traverser cette crise.

Il faut considérer la relation non pas seulement comme une occasion de découvrir l'autre mais d'abord comme une école de découverte de notre propre personne. L'autre nous permet d'ouvrir une fenêtre sur notre être intérieur; une scène conjugale est aussi une confrontation avec nous-mêmes, avec nos blocages et nos peurs.

Au début d'une relation, nous sommes pleins d'espoir et de désir d'harmonie mais la vie quotidienne nous rattrape et bientôt toutes les facettes cachées de notre personne s'expriment et les conflits commencent.

D'une part, nous utilisons chaque jour l'autre comme un exutoire de nos désagréments, de nos frustrations et de nos peurs. Nous avons en nous un fatras d'émotions non maîtrisées et de désirs inassouvis. Face à ces problèmes psychologiques personnels, ces peurs, ces douleurs, ces rages intérieures et face aussi à l'angoisse existentielle de notre solitude, nous choisissons l'autre d'autre part comme un support, comme une béquille, et même parfois comme la solution à notre mal à vivre Notre partenaire actuel, aussi bon(ne) soit-il(elle), ne peut le prendre en charge et guérir cette angoisse à notre place. Cela peut paraître caricatural, mais à différents degrés toutes les relations participent plus ou moins de ce schéma.

En fait, dès le commencement de la relation, se cache derrière la romance une motivation moins avouable: le besoin de sécurité, le besoin "d'avoir quelqu'un". C'est bien sûr l'attachement, la possesivité et la dépendance. Cela n'a rien à voir avec l'amour vrai. Ensuite, au fur et à mesure que la lune de miel se termine et que les premiers mois ou années s'écoulent, ce vernis de romance se craquelle. L'immaturité et les "défauts" de chacun font surface ainsi que la nécessité pour les deux partenaires de profiter de leur indépendance et de leur liberté d'action. Ainsi les conflits se développent et laissent remonter toutes les émotions du passé et de l'enfance: la colère, la rage, voire la haine.
Nous sommes tous le plus souvent très loin de comprendre et de vivre le sentiment d'amour désintéressé. Il nous est impossible de faire l'expérience de cet amour vrai à moins que nous ayons commencé à être confronté à nos peurs, à nos démons intérieurs et que nous atteignions ainsi une certaine maturité.

Voici en résumé les stratagèmes que nous utilisons le plus souvent pour éviter nos peurs:

-certains d'entre nous entretiennent la croyance qu'ils vont rencontrer la femme ou l'homme de leur vie, quelqu'un qui va les comprendre et les aimer,les aider à vivre, les débarrasser de la peur d'être seul. C'est le syndrome du prince charmant (ou de la belle princesse), l'attitude dépendante

-Dans une société où la vulnérabilité n'est pas de mise, d'autres parmi nous entretiennent l'illusion suivante: nous n'y arriverons que si nous sommes forts, indépendants, prêts à nous battre. C'est la loi du plus endurci. Le leitmotiv est: "je peux me débrouiller tout seul". Et cette croyance nous protège de nos peurs autant que le syndrome romantique. Cette attitude de dureté nous empêche de ressentir notre vulnérabilité. Et celui qui ne peut être vulnérable ne peut ressentir l'amour, ne peut se donner. Cette attitude de dureté est assez commune chez les hommes mais aussi chez certaines femmes de notre société moderne: on l'a appelé l'attitude anti-dépendante.

-La troisième tromperie ou stratagème, c'est de croire que c'est toujours la faute de l'autre ou la faute de la société si nous nous retrouvons dans des situations difficiles; nous blâmons les autres. Nous ne prenons pas la responsabilité de nos choix. Les stratégies de notre mental peuvent être très subtiles: nous accusons l'autre d'être brutal, inconscient, coléreux, dilettante, menteur, de nous utiliser, de tromper notre confiance, etc. C'est la croyance la plus difficile à décoder. Accuser l'autre, tout rejeter sur les autres, cela nous permet de dissimuler une colère et une frustration profondément ancrées en nous, lesquelles viennent en fait en grande partie des expériences traumatiques de l'enfance. C'est tellement plus confortable de blâmer l'autre plutôt que de ressentir la douleur et de pleurer toutes les larmes de notre corps.

Sur un plan plus large, chaque mariage ou chaque relation est aussi la rencontre de deux systèmes de valeurs familiaux, des modèles que chacun des partenaires a suivi inconsciemment, et bien sûr des conditionnements qui y sont attachés. Chaque individu porte les conditionnements et les limitations de son éducation et attend de son partenaire qu'il se conforme à ces modèles
C'est une des choses les plus difficiles à réaliser que de s'élever au delà de ces barrières psychologiques personnelles, issues de notre famille d'origine, en matière de travail, d'argent, de sexualité, de liberté et de trouver une assise et un système de valeurs nouveau et original propre à notre relation avec un partenaire donné.