PROCÈS FOURNIRET. Au troisième jour du procès du couple diabolique devant la Cour d'assises des Ardennes, l'audience, lundi, s'est ouverte sur le témoignage de la jeune Marie-Ascension, "miraculée" du piège que Michel Fourniret lui avait tendu.
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Le témoignage de Marie-Ascension, rescapée des griffes de « l'ogre des Ardennes » fait froid dans le dos. Au troisième jour du procès du couple Fourniret, la jeune fille, âgée à l'époque de 13 ans, a raconté son calvaire. Epaulée par son avocate, sobrement vêtue de sombre, Marie-Ascension (qui va avoir 18 ans en mai) se tient droite, portant autour de ce poignet gauche qui conserva longtemps, paraît-il, la cruelle meurtrissure du lacet, un chapelet signe de sa foi en Dieu. Cette foi qui, dit-elle, lui permet de tenir sans avoir recours au soutien de psychologues.
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> > Marie-Ascension dit aussi n'avoir pas besoin de psychologue pour gérer le souvenir de son enlèvement, invoquant « la grâce ». Car la patronne de Marie-Ascension est (selon ses propres dires) la Vierge Marie. Chaque fois qu'elle a des problèmes, elle dit systématiquement cette prière : - « Sainte Vierge Marie, passez devant ! ». Très pieuse, la "rescapée" a expliqué aux jurés et au président qu'elle lui avait échappé après avoir prié à haute voix et invoqué la Vierge Marie.
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> > LES FAITS -
 Ce 26 juin 2003, à Ciney en Belgique, Michel Fourniret avait abordé la frêle adolescente, dans la rue où les parents de Marie-Ascension s'étaient installés avec leurs cinq enfants après avoir fui le Burundi. La rue était alors déserte. Il lui demande le chemin du Mont-de-la-Salle (qui est dans la direction de Dinant) et réussit à gagner la confiance de la fillette car il semble gentil, lui parle doucement et lui assure qu'elle n'a rien à craindre. - « Il disait que ce n'était pas bien de ne pas faire confiance. Il expliquait qu'il était professeur de dessin et père de famille. »
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« Nous marchions côte à côte. Parvenus à hauteur de sa camionnette, il a ouvert la portière, côté passager, et m'a doucement invitée à monter en me tenant par les épaules. Il a fait le tour du véhicule pour s'installer au volant. J'étais tiraillée entre la méfiance qu'il m'inspirait et ce devoir qu'il y a de rendre service. » Mais elle a fini par monter dans la camionnette... – « Avant de monter, j'ai confié ma route à la Vierge Marie. J'ai dit : "Sainte Vierge Marie, passez devant pour qu'il ne m'arrive rien !... Il ne s'est pas arrêté devant le Mont-de-la-Salle. Il m'a dit qu'il continuerait jusqu'à Dinant pour me punir de ne pas lui avoir fait confiance. Mais il continuait de se montrer plutôt gentil. Je me souviens qu'il m'a demandé mon nom et mon âge. » Elle avait dit "Sarah". Elle avait dit "12 ans" car elle avait soudainement pris peur parce que l'homme n'avait pas pris la direction de Dinant. Elle l'interrogeait mais il ne parlait plus. Marie-Ascension se met alors à pleurer en silence et « à prier dans son cœœur », comme elle dit, et, en priant, une idée lui vient. Elle pose cette question à Fourniret : « Monsieur, est-ce que vous croyez en Dieu ? ». Il lui répond : « Mais pourquoi ? ». Et Marie-Ascension lui rétorque : « Si vous croyiez en Dieu, vous ne feriez pas de moi ce que vous faites... ». Il semble qu'à ce moment-là, Fourniret n'a plus voulu répondre à ses questions. Quand elle a vu qu'il ne voulait plus lui parler, Marie-Ascension a commencé à prier à haute voix ...
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> > Dès lors le ton n'est plus le même ; à un certain moment, Fourniret s'est arrêté et lui a dit : « Tu m'agaces avec tes prières ! ». Le tueur en série prend alors un chemin détourné, s'arrête, coupe le moteur et l'emmène à l'arrière de la camionnette. Il avait l'air vraiment méchant. Désormais il ne reste plus rien, confirme l'adolescente, de celui qui se présentait à elle comme un professeur de dessin de 61 ans, inoffensif... Le kidnappeur commence à ligoter les pieds de sa victime en serrant fort ses liens et en lui disant : « Donne-moi tes mains, sinon je te frappe ! ». - « Je lui ai demandé, "Pourquoi vous faites ça ?!", il a dit : – "Tu dois me donner du plaisir, autrement tu ne rentreras pas !". J'étais étonnée, je ne savais pas jusque-là ce qu'il voulait faire de moi. » a raconté l'innocente Marie-Ascension à la barre des témoins. L'adolescente s'est mise alors à crier. Il commence à l'étrangler et lui dit : « Si tu cries, je te tue ! ». Marie-Ascension demande alors à son ravisseur s'il fait partie de la bande de Marc Dutroux. « Je suis pire que Dutroux ! » affirme-t-il, alors qu'il passe un lacet de cuir autour des poignets de l'enfant effrayée. Le véhicule repart.
> > À l'arrière, Marie-Ascension prie toujours à haute voix : « à pleine gorge ! », précise-t-elle. Elle aperçoit une carte routière des Pays-Bas, de Belgique et de France. « Je me suis dit que c'était fini. J'ai vu toute ma vie défiler... » Interrogée par l'un de ses conseils, Me Réginald de Beco, elle ajoutera : « J'ai repensé à ce que j'avais fait de pas correct, j'ai songé à mes parents qui ont réussi à quitter vivants le Burundi et que j'allais décevoir en me faisant tuer comme ça... ». Soudainement, les liens douloureux qui enserraient ses jambes se détendent, elle s'en libère, puis, avec les dents parvient à dégager ses mains. Sur la porte latérale coulissante du Citroën C25, il y avait un bouton coloré surmonté de l'inscription : « Pour ouvrir, appuyer ici ». Elle a appuyé : « La porte s'est ouverte avec un tel fracas que j'ai eu peur qu'il l'ait entendu », raconte toujours Marie-Ascension, mais elle ne saute pas tout-de-suite car la voiture roule vite : « Je n'osais pas sauter… », se souvient-elle.


> > C'est alors qu'il y a eu cet arrêt providentiel : ce stop que la camionnette a marqué au carrefour de Mesnil-Saint-Blaise, – le seul panneau « stop » qu'on recense sur le trajet de 16 kilomètres déjà parcouru par le fourgon, comme l'expliquera l'inspecteur Quinquempois. « La camionnette s'est à peine arrêtée, explique Marie-Ascension, j'avais encore un pied à l'intérieur quand elle est repartie. » Mais elle a réussi à sauter et s'est enfuie, sans que Fourniret s'en aperçoive...
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> > Il prend la direction de Beauraing tandis qu'elle s'encourt dans l'autre sens. « J'ai fait des signes à une automobiliste qui s'est arrêtée : c'était Stéphanie Janton. ». Une femme dont la présence d'esprit causera la perte de Michel Fourniret. - « Marie-Ascension, raconte Stéphanie Janton, m'a expliqué qu'on avait tenté de l'enlever. Elle m'a montré la marque des liens sur ses poignets. Elle voulait que je la ramène chez elle, à Ciney. Mais j'ai pris la direction de Beauraing, parce que j'estimais plus urgent de donner l'alerte au bureau de police le plus proche. Chemin faisant, nous avons vu arriver en sens inverse un véhicule dans lequel Marie-Ascension a cru reconnaître de loin celui de son ravisseur. Quand nous l'avons croisé, elle l'a formellement reconnu. ». Stéphanie Janton, elle, notera l'immatriculation et la marque de la camionnette.
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> > La Police a très vite réagi puisqu'elle est allée directement au domicile de Michel Fourniret. Il n'était pas encore arrivé, mais quand il est rentré, la Police a pu le récupérer très vite, avec tous les indices qui étaient encore dans son véhicule. Une carte postale que Marie-Ascension venait d'acheter pour sa copine y était encore … C'est comme cela que l'instruction a commencé.
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> > - « Vous avez sauvé des vies ! »

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> > L'Avocat général Francis Nachbar s'est incliné devant le témoin : « Vous avez sauvé votre vie et celle de beaucoup d'autres jeunes filles. Pour cela, je voulais vous féliciter et vous remercier... ». Pendant toute la déposition, Fourniret semblait dormir, immobile, les yeux clos. Avant le témoignage, il a redit qu'il refuserait de parler sur cette affaire comme sur les autres si on lui refusait le huis-clos qu'il demande. Il a cependant précisé à la barre avoir rédigé pendant le week-end un texte et même fait un dessin à l'intention de Marie-Ascension. On en ignorait dans l'immédiat le contenu.


> >Dans l'après-midi, le président de la Cour a lu une lettre que le tueur en série a écrite à son fils en 2005 alors que celui-ci lui demandait le sort qu'il réservait à la fillette à l'origine de son interpellation : « Il est évident que je lui aurais arraché les yeux et les membres vivante avec une infinie jouissance. Marie-Ascension incarne une pureté sobre, je m'en empare [...]. J'aurais préféré évidemment lui infliger de lourdes souffrances, des tortures morales et physiques », a écrit l'accusé. L'Avocat général lui a demandé comment il pouvait écrire de telles "abominations" à son propre fils.

> > – « Je suis convaincu que vous avez la réponse à cette question, vous qui semblez bien me connaître », a répondu Michel Fourniret...


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