Un devoir de mémoire...





Membre du parti communiste en 1970, Víctor Jara prend une part active à la création de "L'Unité Populaire" (parti communiste, parti socialiste, parti démocrate). Présent sur tous les fronts, il dirige également l'hommage au poète Pablo Neruda (qui vient de reçevoir le Prix Nobel) dans le Estadio Nacional de Santiago. Lors des grandes grèves de 1972, Víctor Jara s'enrôle parmi les travailleurs volontaires. Le 11 septembre 1973, Augusto Pinochet, alors à la tête de l’armée chilienne, prend le pouvoir par la force, en éliminant physiquement Salvador Allende. Le 11 septembre 1973, jour du coup d'Etat de Pinochet, Víctor Jara - avant de rejoindre Salvador Allende au palais présidentiel - est en route vers l'Université technique de l'Etat pour l'inauguration chantée d'une exposition. Lorsque le régime est renversé, le 12 septembre 1973, il est enlevé par les militaires, transféré à l'Estadio Nacional transformé en Centre de détention, où 6 000 militants de gauche y sont déjà parqués. Après l'avoir passé à tabac, interrogé et torturé, les militaires lui tranchent plusieurs doigts et lui intiment ironiquement l'ordre de chanter. Défiant courageusement les sbires de Pinochet, Víctor Jara se tourne vers les militants détenus avec lui et entonne d'une voix brisée "Venceremos", l'hymne de l'Unité Populaire. Il meurt exécuté par les militaires à l'âge de 41 ans, le 16 septembre 1973, ainsi que les malheureux détenus qui avaient repris son chant en chœur. Avec cinq autres cadavres, son corps criblé de 34 impacts d’armes automatiques est retrouvé le lendemain aux abords du Cimetière Métropolitain. Ce corps martyrisé rejoindra celui de tous les anonymes massacrés durant cette répression sanglante (1).


L’écrivain Miguel Cabezas, présent dans la foule, retrace les dernières secondes de vie de Víctor Jara [1932-1973] :

« On amena Victor et on lui ordonna de mettre les mains sur la table. Dans celles de l’officier, une hache apparut. D’un coup sec il coupa les doigts de la main gauche, puis d’un autre coup, ceux de la main droite. On entendit les doigts tomber sur le sol en bois. Le corps de Victor s’écroula lourdement. On entendit le hurlement collectif de 6000 détenus. L’officier se précipita sur le corps du chanteur-guitariste en criant : ” Chante maintenant pour ta putain de mère “, et il continua à le rouer de coups. Tout d’un coup Victor essaya péniblement de se lever et comme un somnambule, se dirigea vers les gradins, ses pas mal assurés, et l’on entendit sa voix qui nous interpellait : “On va faire plaisir au commandant.” Levant ses mains dégoulinantes de sang, d’une voix angoissée, il commença à chanter l’hymne de l’Unité populaire, que tout le monde reprit en chœur. C’en était trop pour les militaires ; on tira une rafale, et Victor se plia en avant. D’autres rafales se firent entendre, destinées celles-là à ceux qui avaient chanté avec Victor. Il y eut un véritable écroulement de corps, tombant criblés de balles. Les cris des blessés étaient épouvantables. Mais Victor ne les entendait pas. Il était mort... »

(1) Morts et disparus de la dictature militaire : 2 279. Entre 1973 et 1990, sur 33 221 personnes arrêtées, 27 255 ont été reconnues comme victimes de prison politique et de torture par la Commission sur la prison politique et la torture. Certains n'avaient aucun passé militant.

*Vient de paraître, écrit par son épouse et traduit en français ; en vente chez Amazon :

http://www.amazon.fr/Victor-Jara-un-chant-inachevé/dp/2930402490