Elle est là, posée sur le canapé. une jambe repliée, l'autre en tailleur, humant le soir. elle essaye de devenir un son. Bruit du tic tac de l'horloge, elle essaye juste de caler son coeur sur ce tic tac régulier, rassurant. Ou le bruit du bois... Vieille maison qui craque et fait du bruit pour faire comprendre qu'elle est encore vivante. Juste essayer de résonner comme le "crac" du vieux bois qui se réveille. Juste essayer de résonner comme il le fait. Elle se fige. absorbe les ondes, ressent une légère vibration dans son ventre. Elle devient encre de la nuit, ses contours se fondent, se diluent dans l'obscurité. Elle devient branche d'arbre secouée par le vent. devient feuille et bourgeons, aspirant l'air à pleine bouche. Griffant de gris, le noir de la nuit, agaçant la lune de son agitation désordonnée.

Son souffle redouble, puis s'apaise. Elle est toujours là, sur le canapé, aux aguets. Gourmande et insatiable. Dévoreuse d'espace. Elle pose son doigt sur sa lèvre, retrouve un peu d'épaisseur, un peu d'humanité, et se laisse repartir, emporté par quelques notes suaves. Elle se fond à nouveau dans ce décor musical, glissant sans décence son corps entre deux accords, s'étirant à l'infini, hésitant à devenir un lilas blanc ou a parcourir la pièce de rebond en rebond. Les notes glissent sur elle, s'insinuent. Elle joue avec l'ombre de son cou, la mêle à celle du ficus, faisant un tableau contemporain non palpable.

La musique se tait, redonnant au silence une épaisseur d'édredon moelleux. Un frisson la parcoure. hérissant sur son bras mille connections endormies. Son regard va loin, navigue à travers la baie vitrée, étudiant l'encre du dehors, jouant avec les formes comme elle le fait le jour, avec les nuages.

Elle s'immobilise, retient son souffle et creuse ses pensées, les goûte, les enchaine les unes aux autres, forme un kaléïdoscope irisé. La pièce sent l'encens, la bougie, le bois. Odeur primaire, vaguement animale, qui l'enveloppe, amenant à ses pensées des images furtives de chaleur, d'ondes sensorielles. Bois, Feu, Odeur. Bois odeur feu, bois odeurfeu... Petite litanie de sensation....une caresse sur sa peau de nacre. Aucune aspérité pour arrêter cette caresse. Elle est ronde, en courbes, galbée, ondulantes, spiralesques. Son corps bouge, dans une danse silencieuse. Elle se moque de la discordance qu'elle apporte, se moque des bruits de froissement de sa peau nu sur le cuir, se moque de la chaleur qu'elle sent monter en elle, se moque de se dématérialiser. Elle est seule, nue et belle. en cohérence avec son énergie.



Ce texte est le dernier ou presque mis sur mon yahoo 360 °. Je l'aime bien ! et surtout j'ai aimé le moment où je l'ai écrit. L'ambiance était douce, silencieuse.......