• "Je vous ai déjà dit que je n’étais pas défavorable aux entreprises de promotion de l’espéranto." (p. 14)
  • "Si l’espéranto appris dès les dernières années du primaire permettait aux enfants d’acquérir ensuite d’autres langues, je pense que je n’y ferais aucune objection, parce que je suis pour la diversité linguistique." (p. 15)
  • "Je n'ai pas d'objection à une revendication en faveur de l'espéranto comme épreuve du bac." (p. 19)
  • "Moi, je ne suis pas contre, seulement je ne suis pas un militant espérantiste." (p. 18)

En page 5, Claude Hagège parle de l'espéranto comme "langue inventée dont on peut fixer la naissance à un moment précis, mettons 1887, et qui ne possède pas le passé souvent très complexe, souvent très tourmenté des langues naturelles, l’espéranto n’est pas une langue naturelle. Ce caractère-là, que l’on peut parfaitement admettre et qui fait partie de sa définition même, n’est pas de nature à susciter de la passion chez moi. Non, je ne vois pas l’espéranto avec enthousiasme, mais il y a un point sur lequel j’ai changé de façon certaine — d’ailleurs, je ne sais pas à quel moment vous faites allusion, où j’ai pu dire des choses un peu hostiles dont je n’ai pas souvenir, vos remontrances aiguës d’espérantistes m’ayant fait évoluer — : on m’a très fréquemment reproché de ne pas mentionner l’espéranto. Or comme vous savez, j’ai consacré dans certains travaux (...)"



Certes, l'espéranto est la seule langue à vocation internationale de diffusion relativement vaste à laquelle il soit possible d'attribuer une date de naissance. C'est la date de sortie de l'imprimerie Gebethner & Wolf, à Varsovie, le 26 juillet 1887, du premier manuel pour russophones intitulé "Международный язык" (Langue Internationale). Mais peut-on vraiment affirmer que l'espéranto "ne possède pas un passé souvent très complexe, souvent très tourmenté" ?

Né dans un pays de censure, rayé de la carte, dans un climat de méfiance et d'hostilité inter-ethniques, entravé par des problèmes financiers, touché par la censure tsariste huit ans seulement après avoir vu le jour, à cause d'un écrit de Tolstoï publié dans l'unique journal en espéranto, alors qu'il s'était répandu surtout en Russie, puis les deux Guerres mondiales, les persécutions des pires régimes totalitaires du XXe siècle, sans compter les tabous, les calomnies... Ne s'agit-il pas là d'un passé tourmenté, parsemé d'embûches politiques et finalement plutôt bien surmonté par une langue derrière laquelle il n'y avait d'autre puissance que celle de la bonne volonté ? L'espéranto a surmonté l'épreuve du temps sans recours à la violence (hormis verbale ou écrite parfois, reconnaissons-le), à des attentats, au terrorisme, à l'homicide, etc., dont il a été lui-même victime.

En France, d'après des écrits d'Edmond Privat et de l'hydrographe et ingénieur général de la Marine Maurice Rollet de Lisle, le blocage se situait au ministère des Affaire étrangères. Par exemple, à une époque plus récente, durant une longue période de son existence, le contenu des programmes et de l'information de RFI fut sous contrôle de ce ministère. Il était exclu d'y prêter attention à l'espéranto.

Que dire aussi de l'affaire TV5 (1998), lorsque le cinéaste Costa Gavras, poussé à croire que l'espéranto visait le statut de langue unique, avait été amené à tenir des propos violemment hostiles qu'il n'aurait probablement jamais prononcés s'il avait réellement connu l'histoire et la vocation de cette langue ? Et ceci alors que l'anglais s'imposait déjà dans le rôle de langue unique :

"Absolument, parce qu’une langue unique, c’est comme une religion unique ou comme une philosophie politique unique. Il faut vraiment la combattre parce que ça mène toujours à des catastrophes humaines, économiques et culturelles. Il faut donc plusieurs langues. Il faut que chaque pays ait sa langue et cette proposition de l’espéranto, je trouve aussi que c’est une proposition un peu absurde. Pourquoi une langue unique ? Il faut apprendre des langues. C’est un enrichissement culturel formidable. Pouvoir communiquer avec d’autres personnes dans leur langue..."ii

A l'origine de ce barrage, il y eut surtout l'opposition farouche de gouvernements français devant la Société des Nations, en particulier à partir du début des années 1920, à la proposition de quatorze États majoritairement non-européens concernant l'espéranto :

"Au cours des deux premières Assemblées, des délégués de l'Afrique du Sud, du Brésil, de la Belgique, du Chili, de la Chine, de la Colombie, d'Haïti, de l'Italie, du Japon, de l'Inde, de la Perse, de la Pologne, de la Roumanie et de la Tchécoslovaquie présentèrent des résolutions proposant que la Société des Nations recommande l'enseignement universel de l'Espéranto dans les écoles comme langue auxiliaire internationale."iii

Le français était alors la langue diplomatique. La France d'alors était une puissance coloniale, et le rêve d'un nouvel empire était très présent dans l'esprit de bon nombre de personnages influents.

Nul n'avait imaginé que les milieux expansionnistes anglophones comprendraient un jour qu'un rôle prééminent à leur langue leur donnerait des atouts supplémentaires. À partir du Traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, l'anglais devint égal en droit avec le français et peu à peu aussi valide dans le rôle de langue diplomatique jusqu'à un renversement de la situation.

Déjà en 1899, vingt ans plus tôt,
Paul Chappelier avait proposé un système qu'il avait nommé “Bilingua"iv. Adversaire de l'espéranto, il suggérait naïvement l'anglais et le français dans le rôle de langue internationale (au singulier !). Il imagina un traité linguistique entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France selon lequel l'anglais et le français deviendront des langues internationales dans ces pays, et les citoyens des autres pays seront ainsi obligés, dans leur propre intérêt, d'apprendre les deux “langues civilisatrices“ ou au moins l'une des deux !

En 1902, le grand journaliste anglais William Thomas Stead, qui périt lors du naufrage du Titanic, voici cent ans, publia "
The Americanization of the world, or, The trend of the twentieth century", un ouvrage de 182 pages dans lequel il dévoila l'expansionnisme des États-Unis dont le but final était la domination du monde.v

Dans son ouvrage "Le viol des foules par la propagande politique", publié en 1939, le résistant allemand anti-nazi Serge Tchakhotine avait averti :

Il est clair que la nation dont la langue serait reconnue comme universelle, acquerrait des avantages économiques, culturels et politiques sur toutes les autres. Mais l’inertie et l’esprit conservateur des gouvernants de presque tous les pays empêche encore que l’Espéranto puisse devenir la langue auxiliaire mondiale.” (p. 525.)

Ce livre fut censuré par le ministère français des Affaires étrangères et détruit par le régime hitlérien l'année suivante. Une édition considérablement augmentée (de 300 à plus de 600 pages) parut en français en 1952 chez Gallimard puis une réédition en 1967.

Il semble utile de revenir sur des faits historiques. Lorsque le sujet fut débattu à la Société des Nations, l'opposition la plus farouche vint du gouvernement français. Des pressions furent exercées sur des délégués de quelques États-membres pour influencer le vote. Il est certain que l'espéranto a été maintes fois présenté comme un projet visant à instaurer une langue unique, surtout par ses opposants, pour le discréditer, ou alors comme un passe-temps, ou encore, plus récemment, comme un truc de "retardataires idéalistes"
vi. Dans une certaine mesure, ils ont réussi à tromper le public.

Il serait intéressant de mener une recherche historique sur ce qui fut enseigné et dit sur l'espéranto dans les grandes écoles parisiennes, surtout après la première Guerre mondiale, sur une volonté politique de nuire à cette langue, et même une volonté encore plus prononcée, sous les régimes totalitaires, de l'éradiquer. En effet, la condescendance, le dédain, le mépris et même l'hostilité à l'encontre de l'espéranto chez des intellectuels étrangers qui ont étudié dans les grandes écoles et universités parisiennes se retrouve entre autres chez l'académicien roumain
Alexandru Graur, le linguiste danois, Andreas Blinkenberg, chez la poétesse roumaine Hélène Vacaresco (Elena Văcărescu), représentante de la Roumanie à la SDN qui était en relation avec le Quai d'Orsay. En effet, l'espéranto fut bloqué en Roumanie non seulement du fait de régimes anti-démocratiques, en particulier celui de Nicolas Ceaușescu, mais aussi du fait de l'autorité intellectuelle d'Alexandru Graur.

Alexandru Graur (1900-1988), avait traité l'espéranto d'"idiome amorphe, avec peu de chance de survie". Mort en 1988, un an avant Nicolae Ceaușescu, Graur étudia et obtint des diplômes en France, dans les années 1924-1929, à l' École des Hautes Études Pratiques et à la Sorbonne. Son influence fut très forte dans ce pays sous l'une des pire dictatures qu'ait subi l'espéranto.

Andreas Blinkenberg (1893-1982) avait tenté, en 1954, en tant que délégué danois à la Conférence Internationale de l'Unesco, à Montevideo, de ridiculiser l'espéranto devant les autres délégués en disant que cette langue pouvait convenir tout au plus pour commander un menu uruguayen. Il n'avait probablement pas daigné visité la grande exposition mondiale sur l'espéranto qui avait eu lieu dans la ville à cette occasion. La presse uruguayenne se sentit offensée par ses propos malveillants et fit éclater le scandale. La Conférence vota finalement une résolution en faveur de l'espéranto. Curieusement, Blinkenberg avait étudié en France de 1919 à 1925 (La Sorbonne, de 1920 à 1925), donc à l'époque où l'espéranto fut attaqué.

Diplomate roumaine, femme de Lettres, Hélène Vacaresco (1864-1947) avait tenu un salon littéraire avenue de Friedland et rue Washington en 1898. D'abord farouchement opposée à l'espéranto à la SDN, elle devint tout à fait favorable suite à des échanges avec Mme Alice Vanderbilt Morris, l'épouse de l'ambassadeur des États-Unis à Bruxelles, elle-même espérantiste. La lettre qu'elle adressa à Grenkamp
vii en 1935 parut simultanément en français dans le quotidien régional "L'Éclaireur de Nice et Sud-Est" et sa traduction en espéranto dans "Nia Gazeto" (Notre journal) :

(...) Comme écrivain de langue française j'ai, au nom de Racine et de Voltaire, combattu l'intruse, cette langue qui, n'ayant traversé ni les lettres ni les victoires de la langue française, voulait comme elle servir à la compréhension entre les nations.

De la sorte j'ai donné à l'Espéranto une première occasion de se défendre. Mais il est passé bien du temps, bien des paroles, bien des discussions. Il y eut aussi une soirée à l 'Ambassade des États-Unis à Paris. Puis il y eut Mrs. Morris et Mr. Babcock. Mrs. Morris est une conquérante, nous discutons. Je ne cède pas un pouce de terrain, Mrs Morris non plus. Mon regretté ami Babock s'excite centre moi... Je ne céderai pas.

Pendant des années, je n'ai pas cédé aux espérantistes les plus obstinés, aux arguments dont ils lançaient contre moi les bataillons.

Mais il est flèches mortelles. L'éloquence de Mrs Morris lança l'une d'elles : “Si on ne continue pas a soutenir l'Espéranto, une autre langue apparaîtra, formée de gravats grossiers tirés au hasard, soit du français, soit de l'italien, soit de l'anglais.“ Je me sens touchée : l'espagnol est aussi menacé et toutes ces langues souffriront en leurs oeuvres vives. Elles seront estropiées, torturées jusqu'à l'agonie. La vulgarité les prend déjà à la gorge.

Cependant, en dehors d'elles, l'Espéranto (que j'écris maintenant avec une majuscule) ne leur demande qu'un faible appui, l'Espéranto les protègera. Une langue internationale s'impose, et il est meilleur qu'elle soit construite consciencieusement, au lieu de procéder des hasards et des compromis par lesquels les vieilles langues, majestueuses et aimées, seraient affaiblies dans leur pouvoir d'expression. (...)"

Trop de faits historiques en lien avec l'espéranto sont ignorés dans le monde intellectuel et politique. Ne pourrait-on dire, en paraphrasant Don Rodrigue dans "Le Cid", que pour cette langue bien née, la valeur n'attend pas le nombre des années ?

Claude Hagège poursuit :

"Un jour, j’ai lu (ou dû m’entendre dire sous forme de reproche amer : « vous ne voulez pas l’espéranto, vous aurez l’anglais ». Naturellement, cette remarque m’a frappé, car il est vrai que l’espéranto a un certain nombre d’avantages que
je reconnais davantage aujourd’hui qu’auparavant, en particulier le fait de ne pas être lié à un pouvoir politique, contrairement à l’anglo-américain que je n’appelle pas ainsi par hasard. L’espéranto est une langue vierge de toute attache politique ou impérialiste : on ne peut évidemment pas en dire autant de l’anglais, et moins encore de l’anglo-américain. C’est manifestement un point favorable. Pour vous le dire d’un mot aujourd’hui, comme je l’ai souvent dit d’ailleurs, si l’espéranto réussissait à s’imposer et à apparaître comme un choix important, ce n’est sûrement pas moi qui m’y opposerais. Même si je continue à ne pas être animé d’assez de passion pour militer en sa faveur, je ne me dresserai pas contre l’espéranto, par aucun écrit, par aucune prise de parole politique publique : je souhaite bon vent à l’espéranto, car après tout, si c’était une solution à la communication internationale autre que l’anglais, du fait même qu’il n’est pas attaché à un pouvoir politique particulier et qu’il a une vraie nature internationale qu’aucune langue ne possède, je n’y serais pas défavorable." (pp 5-6)

"j’ai évolué : je suis devenu beaucoup plus ouvert à l’espéranto, dont la victoire, si elle devait advenir un jour, ne m’empêcherait pas de dormir. D’autant plus que, vous le dites vous-même, loin d’être hostile à la permanence d’autres langues, elle la favoriserait. Si vous me promettez qu’une victoire de l’espéranto comme langue de l’Europe servirait la promotion des autres langues, je suis tout à fait d’accord ; je ne vais sûrement pas m’insurger contre l’espéranto comme je m’insurge contre la domination de l’anglais." (p. 19)

Des opposants à l'espéranto ont aussi évolué ou changé d'avis lorsqu'ils ont eu la possibilité de mieux connaître sa véritable vocation mise au net en 1996 sous le titre "Manifeste de Prague".

Rendu célèbre par son ouvrage "Parlez-vous franglais",
René Etiemble (1909-2002) fut fut de ceux-là. Dans une lettre du 12 octobre 1976 écrite en toute hâte, il confia à Claude Piron, francophone et espérantophone, ancien traducteur polyvalent de l'Onu et de l'OMS pour l'anglais, l'espagnol, le russe et le chinois :

" (...) désormais je ne verrais pas d'inconvénient à l'emploi universel de l'espéranto. Ce qui longtemps me gêna, c'était la lutte intestine entre langues universelles (en Arizona, durant l'hiver 42-43, j'étudiai l'ARULO (A Rational Universal Language O désin. des substantifs).
(...)
Mais le babélisme gagnant constamment du terrain, et la seule langue conforme à l'idée que se formaient Descartes et Leibniz de la langue universelle étant le chinois (dont la prononciation n'est pas facile, aussi bien ne pensais-je qu'à l'emploi de ce véhicule qu'en termes de langue écrite, ce qui du même coup supprimait les trop nombreux colloques et palabres), les intérêts temporels étant d'autre part ce qu'il sont, mieux vaut sans doute parler une langue que ne soutiendrait et qui ne soutiendrait aucun impérialisme".

Le professeur Umberto Eco avait reconnu un parfait dédain pour l'espéranto jusqu'au jour où il fut amené à l'étudier pour préparer un cours au Collège de Franceviii. En diverses circonstances, il admit l'intérêt et la valeur de cette langue :

c'est une langue construite avec intelligence et qui a une histoire très belle “ (L’Événement du Jeudi)
"du point de vue linguistique, elle suit vraiment des critères d’économie et d’efficacité qui sont admirables » (Paris Première, 27.02.1996).
"L’histoire et l’idéologie de l’espéranto me semblent des phénomènes intéressants : c’est là son côté inconnu. Les gens perçoivent toujours l’espéranto comme la proposition d’un instrument. Ils ne savent rien de l’élan idéal qui l’anime. C’est pourtant la biographie de Zamenhof qui m’a enchanté. Il faudrait que l’on fasse mieux connaître cet aspect-là !… Le côté historico-idéologique de l’espéranto reste foncièrement inconnu." (lors d'un entretien pour la revue "Esperanto")

Auteur de "Linguistic Imperialism" (1992) et de "English-only Europe ?" (2002), "Linguistic Imperialism Continued" (2010), le professeur Robert Phillipson put déclarer, après avoir participé au congrès mondial d’espéranto de Prague, en 1996 : “Le cynisme autour de l’espéranto a fait partie de notre éducation”.

Tel est bien le problème. Combien d'intellectuels et d'hommes politiques, à travers le monde, ont été victimes de ce cynisme ?

Internet et l'espéranto

Trop d'aspects intéressants de l'espéranto ont été occultés durant des décennies. L'internet a permis récemment l'accès de documents essentiels à un large public. Par exemple, le rapport du Secrétariat Général de la Société des Nations publié en 1923 sous le titre "L'espéranto comme langue auxiliaire internationale".

Fondateur de la terminologie,
Eugen Wüster a écrit dans “Konturoj de la lingvonormigo en la teknikoix :

"Pour un Anglais (ou Étasunien) intéressé, il existe au moins trois non-Anglais. L'énergie laborieuse nécessaire pour apprendre à parler l'anglais est au minimum six fois plus grande que l'énergie nécessaire pour parler l'espéranto. De plus, nous devons estimer que les énergies nécessaires pour apprendre à lire une langue, comprendre à l'oreille, ont un rapport l'une à l'autre comme 1 1/2 : 3. (...) Chaque classe annuelle d'élèves économisera donc aussitôt après l'introduction de l'espéranto environ 50% de travail, en ne perdant pas l'accès à la littérature anglaise." (p. 122-123)

Wüster avait très bien prévu la situation actuelle d'hégémonie de la langue anglaise et ses conséquences :

"La création d'expression spécialisées en espéranto souple coûterait elle aussi moins de travail que la standardisation par les langues nationales. Mais, en outre, l'espéranto est non seulement une exigence de l'économie, mais aussi, au moins au même titre, de la justice. Élever l'anglais au rôle de langue auxiliaire internationale apporterait des désavantages si importants aux autres nations, qu'on a déjà directement caractérisé cette forme de solution comme une “trahison linguistique“ contre la langue maternelle. Une nation consciente de son honneur ne peut participer à la coopération internationale que sur la base de l'égalité des droits“. (p. 123)

L'intérêt de l'espéranto comme langue propédeutique, c'est-à-dire comme enseignement préparatoire à l'apprentissage des langues étrangères et d'autres matières, a été maintes fois démontré dans divers pays. C'est sur cet aspect que se basent aujourd'hui les projets britannique "Springboard... to Languages" et australien "Mondeto". Claude Hagège a raison de condamner l'enseignement de l'anglais comme première langue étrangère. L'espéranto offre la clé de voûte d'un multilinguisme équilibré, de ce que le professeur Umberto Eco avait nommé "un plurilinguisme raisonnable" : "Je pense qu'une langue — véhiculaire — est nécessaire, mais qu'en même temps il est nécessire d'arriver à un plurilinguisme raisonnable".x

Curieusement, c'est à un espérantophone et natif anglophone, Dennis Edward Keefe, que revient l'initiative des festivals de langues "
Linguafest" lancés à Tours en 1995.

C'est Google, le géant de l'exploitation de l'Internet qui a salué, le 22 février 2012, l'ajout de l'espéranto aux langues de traduction de Google Translate :
Tutmonda helplingvo por ĉiuj homoj (Une langue auxiliaire mondiale pour tous).

Avec l'Internet, l'espéranto retrouve l'essor qu'il avait connu au début du siècle dernier. Son sort ne dépend plus totalement de l'avis de tel ou tel personnage influent ayant pouvoir de bloquer toute information. Mais la multiplication d'avis favorables facilitera évidemment son avancée. Cette phrase parue dans le numéro de juillet 1904 de "The Review of Reviews", la revue de William T. Stead, pionnier du journalisme d'investigation, retrouve aujourd'hui toute sa valeur :

"Cette merveilleuse "langue du peuple" progresse si rapidement qu'il est impossible ici de rendre compte de tout ce qui est écrit, dit et fait".


Voir aussi : L'espéranto au présent.


Notes

i. Thèse de doctorat de troisième cycle sous la direction du professeur André Martinet : "Liberté ou autorité dans l'évolution de l'espéranto" défendue en Sorbonne le 29 juin 1981. Université Paris V, René Descartes, sciences humaines, Sorbonne. Ouvrage traduit et publié en japonais. François Lo Jacomo est en outre l'auteur et l'éditeur d'un rapport sur le séminaire "Plurilinguisme et communication" organisé du 25 au 27 novembre 1985 à l'Unesco, Paris, par l'Association Universelle d'Espéranto.

iii. “L'espéranto comme langue auxiliaire internationale“ .Rapport du Secrétariat général adopté par la troisième Assemblée de la Société des Nations (adopté par l'Assemblée le 21 septembre 1922). Version en anglais : "Esperanto as an international auxiliary language".

v. "Mr Carnegie shared the opinion of Sir George Grey as to the beneficent influence which would be exercised on the world by our reunited race. Such reunion, he declared, would give us the future dominion of the world, "and that for the good of the world, for the English-speaking race has always stood first among races for peace, plenty, liberty, justice and law, and first, also, it will be found, for the government of the people, for the people and by the people. It is well that the last word in the affairs of the world is to be ours, and is to be spoken in plain English." (p. 162 ).

vii. Grenkamp, pseudonyme de Salomon Kornfeld. Polonais, il séjourna à Paris et fut co-rédacteur du Plena Vortaro de Esperanto (PV — Dictionnaire complet d'espéranto, 1930, 1934). Il fut parmi les premiers à appliquer l'espéranto en radiophonie. A l'occasion de plusieurs congrès mondiaux d'espéranto, il remporta des prix de déclamation et d'art oratoire. Il fut exécuté dans le camp de concentration nazi de Natzwiller-Struthof (Bas-Rhin, canton de Schirmeck) en 1943.

viii. Ce cours a fait l'objet d'un ouvrage publié en 1994 sous le titre "La recherche de la langue parfaite" (Paris : Le Seuil).

ix. "Konturoj de la lingvonormigo en la tekniko" (Contours de la standardisation linguistique dans les techniques). Eugen Wüster. Åbyhoj (DK) : Dansk Esperanto-Forlag. Réimpression en 1975. 130 p.. ISBN : 87 85020 842

x. "Le Figaro", 10 août 1993, p.11.